Hannah Arendt est un film très utile pour qui n’a pas fait un peu de philosophie et de sociologie. Il revient globalement sur les thèses qu’elle a développées à la suite du procès d’Eichman à Jérusalem. A l’observation de cet homme lors de sa défense, elle a pu identifier le concept de la banalisation du mal. Combien de fois ai-je entendu cela au cours de mes études ! Cette femme par sa clairvoyance est passée à la postérité, ses observations ont été corroborées par une expérience scientifique à l’université de Yale réalisée par Milgram. Il est vital que tout le monde connaisse cela, car c’est ce qui permet de rester humain en toutes circonstances.
D’un point de vue cinématographique, nous avons ici un film honnête. Des plans élégants, des personnages riches et recherchés servis par des acteurs vraiment très bons. On s’aperçoit toutefois rapidement que ce qui importe n’est pas forcément ce qui se passe à l’écran, non l’important ici c’est d’écouter, de ne pas perdre une miette de dialogue. Mais toutefois, certaines images marquent, notamment toutes celles se déroulants à Jérusalem.
D’un point de vue philosophique,ce film est infiniment plus riche. Il y a quelques flashbacks de la relation entre Arendt et Heideger, qui sont assez intéressants car on touche du doigt le problème, la conciliation entre la passion et la raison. Ce sont deux choses qui ont l’air clairement antagonistes et qui pourtant se nourrissent l’une de l’autre pour parfois aboutir à des synergies redoutables. Et c’est de cette relation dans le film que sa pensée se nourrit et aboutit à une solution brillante. Ainsi, elle échappe à la passion pour analyser ce que dit Eichman. Elle constate que ce n’est pas un homme foncièrement mauvais, comme dit dans lefilm, « Eichman ist kein Mephisto ! ». Cette démarche n’est pas aisée du tout, c’est le seul personnage du film qui écarte toute passion de cette histoire de procès. Mais en écartant, la passion,on peut également devenir très dangereux. Elle explique que Eichman, personne médiocre, qui dit ne pas avoir d’animosité envers les juifs, en a pourtant condamné des millions à mort. Et pourquoi ? Parce qu’il exécutait les ordres. Un raisonnement parfaitement rationnel au niveau kantien, ce raisonnement ne nécessite aucune réflexion, et la passion en est étrangère.Mais pourtant, en réfléchissant, et en ayant accès à certaines émotions, ces ordres n’auraient jamais été exécutés.
Pourtant en essayant decomprendre ces mécanismes, Arendt se trouve confrontée au mécontentement de beaucoup de personnes, parce qu’elle relate des faits qui ne sont pas forcément agréables à constater, notamment sur le rôle de certains juifs dans le massacre de la Shoah. Dès lors, la passion reprend le dessus, on ne traite plus du fond de son raisonnement, mais de dix pages sur trois cent. Et cette passion revient à la case intolérance, violence, incompréhension. Alors que la réflexion permettrait de relativiser.
Ainsi ce film montre que pour être humain, il ne faut jamais perdre sa conscience, mais celle-ci se base autant sur l’émotion que sur la raison et que lorsqu’on néglige l’un des deux, on peut rapidement dévier vers des eaux troubles.
Enfin sur une note plus légère et tout aussi personnelle, j’ai été enchanté de voir un film allemand au cinéma,il y en a peu qui sortent chez nous. J’avais manqué Faust l’année dernière qui,si j’en crois certaines critiques, étaient vraiment excellent. Il faudra que jeme procure le DVD. En tout cas je n’ai pas manqué Hannah Arendt et maintenant, il me reste à lire ses nombreux écrits !