"Ratter" est-il raté ? (rires suivis d'une standing-ovation d'au moins une demi-heure). En fait, tout dépend comment on l'appréhende.


Si on est venu là pour une version très longue d'un message de prévention sur les nouvelles technologies qui peuvent conduire aux pires dangers à notre insu (après tout, Branden Kramer adapte ici son propre court-métrage "Webcam" qui tenait le même discours), on peut dire que "Ratter" accomplit son but et fera sans doute prendre conscience à un public adolescent les failles de nos nouveaux moyens de communications qui peuvent être utilisées à mauvais escient. En ce sens, la présence de l'actrice Ashley Benson, rendue populaire par la teen-série "Pretty Little Liars", apparaît comme un choix logique pour attirer le regard des jeunes spectacteurs auxquels ce message est principalement destiné. De même, la fin forcément déconcertante pour qui la prendrait autrement a le mérite d'aller jusqu'au bout de sa démonstration pour atteindre le paroxysme de l'engrenage du harcèlement qui ne laisse aucun échappatoire.


Seulement, "Ratter" est avant tout un objet cinématographique vendu comme un thriller angoissant qui se doit de divertir tout en délivrant son message de fond. Problème, de ce côté, le film a la vivacité du rythme cardiaque d'une limace en soins palliatifs.
À moins d'avoir un esprit aussi tordu que le pervers ayant hacké ordinateur et téléphone de cette pauvre étudiante pour l'observer en permanence, il est vraiment dur de se passionner pour la première heure de "Ratter", on comprend la volonté du film d'inscrire son propos dans la réalité du quotidien mais, pour le spectateur, voir Ashley Benson -aussi mignonne soit-elle- danser, jouer à la console, se faire dragouiller ou se raser les jambes dans sa baignoire (oui car elle amène son PC dans sa salle de bains, le hacker est vraiment tombé sur la proie parfaite) ne suscite pas vraiment notre plus vif intérêt. Au contraire de l'excellent "The Den", de "Unfriended" ou même "Open Windows" ("Ratter" est d'ailleurs plus à rapprocher de ce dernier sur son message, les deux premiers avaient plus les réseaux sociaux en ligne de mire) qui savaient assez vite se montrer prenants avec leurs sujets, le parti pris du film de Branden Kramer de laisser sa menace la plupart du temps en toile de fond paraît le faire patiner dans le néant pendant une durée qui défie l'entendement.
Heureusement (et malheureusement pour la victime), comme tout bon pervers qui se respecte, à un moment ou à un autre, le voyeur en a forcément marre de ne faire on-ne-sait-quoi devant les images de sa belle et prend la décision de passer une tête à son appartement pour lui faire un petit coucou. À partir de là, "Ratter" se montre inévitablement plus anxiogène avec les manifestations physiques de l'assaillant et la paranoïa de l'héroïne ayant désormais conscience du harcèlement dont elle est victime mais cet acte final (qu'on peut résumer aux dernières vingt minutes) est trop succinct pour réellement nous faire haleter d'angoisse, hormis sa dernière séquence qui, comme on l'a dit plus haut, décevra logiquement ceux qui attendaient plus dans l'optique d'un thriller mais qui se montrera on ne peut plus pertinente vis-à-vis de sa logique pour transmettre son message.


Bref, si vous n'avez pas encore réalisé qu'utiliser n'importe comment vos ordinateurs, tablettes et téléphones peuvent en faire vos pires ennemis, "Ratter" aura le mérite de vous mettre en garde avec le cas extrême de harcèlement au coeur de son histoire. Pour les autres, "Ratter" risque de paraître durer une éternité...

RedArrow
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le 13 juin 2018

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RedArrow

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