Hard Candy
6.6
Hard Candy

Film de David Slade (2006)

Un bonbon qui colle aux dents du grand méchant loup

En 2018, il était de bon ton de se pâmer devant "Le thriller féminin et frais qui change la donne" que constituait Promising Young Woman. Soit un film en forme de produit de son temps et qui, surtout, surfait sur son argument de vente #metoo pour mieux se décréter comme nécessaire et, cerise sur le gâteau, engagé.

De tels épithètes employés de manière trompeuse, voire malhonnête, servaient surtout à éviter scrupuleusement toute forme de subtilité et asséner son prêt à penser qui a tout du prémâché. Pour mieux mettre cela au service d'un simplisme du propos qui avait déjà tout de la complaisance.

Soit un film qui, sous couvert de "combat", pensait avoir réinventé l'eau tiède qu'il avait finalement entre les oreilles. En faisant comme si, en septembre 2006, un film comme Hard Candy n'avait jamais existé et traité une thématique voisine, tout aussi risquée et ambiguë, de manière bien plus fine et maligne.

Car dès les premières minutes, Hard Candy s'emploie à distiller petit à petit son imparable poison. L'apparente innocence d'une gamine de quatorze ans qui minaude, petite souris qui s'offre en sacrifice à son prédateur au beau langage étudié, au sourire charmeur et à la profession de photographe charriant les fantasmes.

Malgré le rendez-vous initial en plein lieu public, David Slade limite immédiatement son cadre entre ces deux-là, avant de littéralement les enfermer dans un huis clos psychologique étouffant et, surtout, inattendu.

Car les rôles de victime et de bourreau s'inversent. D'ado ingénue, Hayley devient une sorte d'ange purificateur tentant de faire tomber le masque de respectabilité du mystérieux Jeff, dont le comportement suspect ne plaide pas pour son innocence. Le petit chaperon rouge se mue en véritable bourreau, qui s'autorise dans sa traque tous les excès, tous les mensonges, tous les stratagèmes pour mener à bien sa vendetta. Et tandis qu'une étrange empathie naît à l'égard du prédateur devenu proie, on se demande tout au long du film qui est vraiment Hayley et si ce qu'elle dit à Jeff ne relève tout simplement pas de l'invention.

Hayley est un personnage extrême, trouble, sûr du bon droit de sa croisade. Tout en se montrant aussi glaçant que le supposé pédophile dans sa confrontation sauvage. Loin de tout manichéisme, Hard Candy bouillonne littéralement de l'intérieur, mouvement plus d'une fois accompagné par la caméra dynamique de David Slade, cadrant tant le visage de deux acteurs en état de grâce que les mouvements d'une fuite désordonnée et tendue dans un décor clinique et intensément froid.

L'abrupte explosion finale, elle, prend à la gorge pour ne plus lâcher son emprise, tant l'ambiguïté morale de Hard Candy fait froid dans le dos, tant certaines questions concernant son petit chaperon rouge resteront sans réponse.

C'est cette noirceur qui reste en mémoire une fois déroulé le générique de fin de Hard Candy, tout comme un certain malaise éprouvé devant les actions de deux personnages avec lesquels on a vécu le calvaire une heure quarante durant. On pourra penser à l'impression qu'a laissée Michael Haneke avec Funny Games. On pourra aussi retenir à quel point Ellen Page et Patrick Wilson s'imposent comme les clés de voute de l'entreprise au regard de l'intensité de leur formidable face à face.

Hard Candy, en 2006, avait donc déjà presque tout saisi et tout dit. Attendre un dérisoire hashtag pour ne pas s'en souvenir en dit long sur la pauvreté et l'amnésie particulièrement sélective de la critique 2.0...

Behind_the_Mask, qui redoute un traitement préventif.

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le 22 juin 2024

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