Harmagedon
5.6
Harmagedon

Long-métrage d'animation de Rintarô (1983)

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Attention, troupe de choc pour ce vieil animé de 1983 !
À la réalisation le fameux Rintarô, très connu entre autre pour être le réalisateur d'Albator 78, et plus récemment de Metropolis ; au character design, celui qui allait devenir célébrissime dans la suite des années 80, j’ai nommé Katsuhiro Ôtomo ; et à la bande son Keith Emerson, un des fondateurs du groupe culte Emerson, Lake & Palmer, ainsi que Nozomi Aoki, le compositeur de la fameuse série Ken le Survivant ; enfin, le scénario est adapté de l’œuvre du romancier Kazumasa Hirai (réputé au Japon pour ses romans de science-fiction), et du mangaka émérite Shôtarô Ishinomori.


Mais le scénario, justement, laisse à désirer.
Son principal point faible, qui devait déjà l’être en 1983 et qui n’a fait qu’enfler depuis, est son postulat : une entité maléfique venue du fin fond de l’espace (le Mal, au cas où vous n’auriez pas compris), et qui détruit tout sur son passage (comme en général font les entités maléfiques quand elles en ont la possibilité), va trouver sur son chemin la Terre et un groupe de huit opiniâtres résistants doués de pouvoirs parapsychiques (le Bien, donc, qui sans ces facultés n’aurait pas pu lutter à armes égales avec le Mal). Pour excuser un tant soit peu cette histoire manichéenne, on peut rappeler que les années 80 ne faisaient que commencer et que le nombre de films où le Bien affronte le Mal n’était pas encore aussi élevé qu’aujourd’hui. Comme deuxième excuse, on peut supposer que la première trilogie Star Wars se finissant, les producteurs japonais ont voulu surfer sur le succès de ce genre de canevas simpliste (ce qui me permettrait de dédouaner ces chers auteurs cités en introduction, que j’admire tant et qui ont travaillé, on peut l’avouer, sur un scénario d’un intérêt très mince).
Son second point faible concerne la narration, qui nous mène de grosses batailles en combats apocalyptiques sans réels liens entre les séquences. On se trouve ainsi devant une sorte de suite de courts métrages très mal reliés les uns aux autres, comme si les scénaristes avaient oublié d’écrire des passages du film. Les personnages pâtissent d’ailleurs de ce récit décousu, et seuls trois sont vraiment développés, les autres faisant office de figurants alors que leur rôle est essentiel dans le film.


Heureusement, la mise en scène vient largement contrebalancer cette faiblesse très handicapante.
En effet, preuve qu’une histoire moyenne peut être sauvée par une bonne mise en scène, Harmagedon éblouit par ses images d’apocalypse. Le Mal débarquant sur Terre, il arrive bien sûr avec son cortège de fléaux en tout genre, et on a droit aux habituelles scènes de cataclysmes paroxystiques qui mettent (presque) l’humanité à genoux. Séismes, villes qui s’effondrent, pluies de feu, crashs multiples, explosions à gogo, populations décimées, incendies dévastateurs, éruptions de magma, tempêtes de poussière, Statue de la Liberté qui s’effondre (la Tour Eiffel est heureusement épargnée !) et multiples autres réjouissances et feux d’artifice.

Or là où on est ébloui, ce n’est pas par cette série de catastrophes, mais par la manière dont elles sont représentées, dans un parti pris évident d’esthétisation. En gros, le film est somptueux : couleurs qui oscillent entre la tristesse et le cauchemar infernal, animation fluide qui ne cesse de jouer avec les ralentis, arrêts sur image et accélérations, cadrages surprenants qui se tordent, passent avec virtuosité des émotions des personnages aux plans d’ensemble de destruction, découpage qui rend les scènes d’actions haletantes. Loin de simplement mettre le film en images, Rintarô choisit volontairement de lui insuffler un souffle poétique qui en fait un régal visuel de tous les instants.


Harmagedon est du reste si particulier qu’il divisera à mon avis le monde en deux catégories (comme disait Sergio Leone, et il ne parlait pour le coup ni du Mal ni du Bien) : ceux qui seront sensibles à sa beauté apocalyptique, et ceux qui trouveront ça « trop années 80 », trop criard, trop outrancier. Dans tous les cas, à découvrir, ne serait-ce que parce que cette œuvre représente un jalon dans la filmographie de deux maîtres de la japanimation, Rintarô et Ôtomo.

Cypou_
8
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le 19 sept. 2015

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