Cela faisait un bon moment que nous n’avions pas vu l’immense Michael Caine en tête d’affiche d’un film. Et pour cause, l’acteur nous était apparu que dans des seconds rôles depuis bon nombres d’années. Mais cela ne l’a pas empêché de participer à des projets d’envergure tels que Les Fils de l’Homme ou bien la saga The Dark Knight. C’est donc avec bonheur que nous le retrouvons dans un rôle principal, au service d’un film indépendant. Le résultat est-il pour autant de mise ?

Ancien marine à la retraite, Harry Brown vit dans un quartier difficile de Londres. Témoin de la violence quotidienne engendrée par les trafics de toutes sortes, il évite soigneusement toute confrontation et invite son vieil ami Leonard à en faire de même. Le jour où l’inspectrice Frampton lui annonce le meurtre de Leonard, Harry, dévasté, ne peut que constater l’impuissance de la police. Un soir, en rentrant du pub, il se retrouve face à un junkie qui le menace d’un couteau. Malgré les effets de l’alcool, Harry retrouve d’anciens réflexes.
Harry Brown n’est pas le premier film qui traite d’un personnage voulant faire justice lui-même. Quoiqu’un justicier vieillard, ça, c’est du nouveau ! Mais bon, le justicier en question est tout de même un ancien marine, donc le cliché est bien là. Et pourtant, Harry Brown sort tout de même du lot grâce à son parti pris de n’être que douloureux. Douloureux dans le sens où rien n’est gai dans le film. En effet, le héros est seul, devient veuf en un clin d’œil, son meilleur ami trouve la mort de manière atroce, la police ne sert à rien… Tout en peignant un tableau de la banlieue la plus immonde qu’il nous ait été de voir au cinéma question violence. Et le pire, c’est que des cités comme celle-là existent ! Il est d’ailleurs étonnant de voir avec quelle violence justement les scènes sont écrites, aussi bien physiquement que moralement. Il est tout de même dommage de voir à quel point les dernières minutes du film sombrent dans un enchaînement de scènes montées à la va-vite, mettant à l’image une simili guerre entre délinquants et policiers, et un happy end malvenus (30% de la criminalité qui a diminué, les flics sont décorés, Harry Brown, bien vivant, peux enfin réemprunter le tunnel pour traverser la route…) qui ne correspond aucunement au ton du film. Sans oublier une morale plus que douteuse sur le fait de faire justice soi-même, étant donné que le tout nous est montré avec autant de violence, sans tabou et avec enthousiasme (le flic lançant que de le laisser tuer une ordure ne peut faire de mal à la société). Bref, Harry Brown est un film sur le fond classique mais plutôt déroutant.

Cela, il le doit notamment grâce à sa mise en scène. Le réalisateur nous impose un rythme pesant et lent. Très, très lent, voulant privilégier la personnalité d’Harry Brown ainsi que de la violence des scènes afin de donner une sorte d’identité à son film. Et franchement, rarement j’ai été aussi perturbé depuis Seven ! Les séquences se déroulent dans le noir, brillamment mise en valeur par des jeux de lumière plutôt impressionnants (cette nuance jaunâtre !) et cette musique qui donne une incroyable ampleur à l’ensemble. Sans oublier la scène d’intro, filmée à partir d’un portable (ou bien d’une caméra numérique mais vu le contexte, c’est peu probable) qui offre à ces quelques minutes de violence un réalisme dérangeant ! C’est clair, « dérangeant » est sans conteste le terme qui définit le mieux ce film !

Une remarque à faire : c’est souvent dans les films indépendants que les grands acteurs se donnent à fond. Et Michael Caine y met tout son talent pour que nous ressentions avec émotions et puissance les sentiments, douleurs et doutes de son personnage. Jusqu’à être véritablement touché quand celui-ci ne peut retenir ses larmes. Le reste du casting ne lui arrive certes à la hauteur, mais n’en reste pas moins une valeur sûre de ce film (Emily Mortimer, David Bradley, Liam Cunningham, Ben Drew…). Mais il faut bien avouer que celui qui sort également du lot se nomme Sean Harris, son interprétation d’un dealer drogué étant tout simplement impressionnante et imprévisible.

Malgré quelques défauts scénaristiques, Harry Brown est un bon film, qui gêne avant tout ! Balayant en un clin d’œil les autres films du genre qui ne sont formatés que pour le cinéma grand spectacle et parfois (pour ne pas dire) débile (ah, Hollywood…). Il est vrai que la lenteur et la violence du film peuvent surprendre voir choquer. Mais ne pas voir ce film serait raté l’occasion de prouver que les films indépendants sont souvent meilleurs que les blockbusters attendus et qui rapportent des masses au box-office. Et puis, Harry Brown prouve également que Michael Caine sait choisir ces rôles !

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