--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au quinzième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
J'ai retrouvé Sirius Black. Celui que j'appelais pour moi même Sirius Black, faute de mieux, suite à la ressemblance troublante que je lui avais trouvé lors de notre première rencontre, avec l'image mentale que je me faisais du personnage que je découvrais concomitamment, j'ai retrouvé sa trace. Ça n'a pas été facile. En fait, un an s'est écoulé depuis que le drôle eut laissé sa signature dans une salle de cinéma vide de sa présence. Homme-invisible dans l'esprit, lycanthrope de nature, insaisissable donc, j'ai fini par comprendre, à force d'indices égrenés que je ramassais comme un Petit Poucet à l’affût, que l'homme recherchait désespérément mon aide, et que le loup qui le dominait s'arrachait sans cesse à ma traque. Il était d'une puissance hors norme, qui m'inquiétait un peu et m'intriguait beaucoup. Il me faisait penser au louveteau terrifié que j'étais avant de rencontrer Lycaon, dominé par les pulsions de la bête. Lorsque je reprenais ma forme originelle, je perdais la plupart de mon temps dans un paradoxe entre la volonté de fuir mes paires pour leur épargner la furie du monstre en moi, et la quête désespérée d'une main secourable. Cette forme d'affection naissante pour lui, cumulée au fait que les attaques sauvages se multipliaient dans la ville et que partout dans la communauté des voix commençaient à s'élever pour suggérer que je puisse être à l'origine de ces massacres, m'ont forcé à consacrer toute mon énergie à retrouver mon Sirius, laver mon honneur, cesser les morts inutiles et sauver ce pauvre hère. Et le voilà, après quatre mois de traque et cinq mois d’apprentissage, sur mon canapé, découvrant et scannant avec moi l'adaptation du livre avec lequel tout à commencé, celui qui lui a donné le surnom que jamais il n'a voulu changer, Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban.
Alors quoi ? Attentes trop élevées, ou véritable échec de la reprise de flambeau par Cuaron ? Ce goût d'amertume qui me colle aux canines depuis que la carte du maraudeur s'est refermée derrière le générique est d'autant plus douloureux que rien n'aurait pu m'avertir du fiasco à venir. Tous les voyants étaient au vert : sans avoir été une immense fan de la lecture des deux premiers opus, j'avais passé de très agréables moments devant leurs adaptations, nous arrivions sur l'adaptation du volume de la saga qui, de très loin, était mon préféré, et, comble de bonheur, ce bon vieux Colombus passait le relais à l'enfant prodige, Alfonso Cuaron, zéro mauvais films au compteur. Mauvais film Harry Potter III ? Non pas exactement. En fait même, tout y est excellent. A commencer par la musique dont vraiment je ne me remet pas. Quelle partition exceptionnelle. Certes John Williams n'est pas le dernier des cancres, et commence à être un habitué de la saga, mais il y a dans la composition de ce film une forme de délicatesse, une subtilité dont j'ai tendance à reprocher le manque trop souvent au maestro. C'est divin, c'est parfait, c'est la touche de magie en plus qu'il fallait pour que celle-ci opère malgré tout une troisième fois. La photographie se défend plus que correctement également, basculant dans des tons plus sombres et froids, se détachant progressivement des couleurs chatoyantes faite pour attirer les jeunes trublions de la première heure dans les salles obscures. Maintenant que le public est mordu, plus besoin de l'affrioler avec tout ça, et la saga peut commencer à dévoiler sa vraie nature, ses aspects de fantastique horrifique et de gothisme moderne. Et pour ne manquer de rien, le découpage et le montage se révèlent virtuoses et savants, à la fois tape à l’œil et recherchés, bondissant joyeusement à travers toutes les possibilités offertes par cette double temporalité (en illustre la double scène de non-mise à mort de Buck, efficace). Je ne quitterai pas la partie « image » sans un mot du plus beau plan du film, et je ne dis pas ça pour le moment qu'il illustre (enfin pas que, mais on reviendra sur la question du loup-garou plus tard, il y aura de l'encre à verser). Vivre la transformation de Lupin avec lui, en plongeant la caméra dans son iris, « le miroir de l'âme » comme disent les grands Hommes, et découvrir en en ressortant que tout à changé, à commencer par sa pupille ayant tourné à un jaune vert scintillant et inquiétant, fichtre diantre, quelle perfection.
Dernier point de DA à couper le souffle : les décors. C'est vrai que Harry Potter depuis le début fait dans le grandiose et l'émerveillement, et c'est vrai aussi que pourtant, jamais ils n'ont échoué à faire mieux, encore plus sidérant, encore plus éblouissant. Tout encore est transperçant de charme, du mobilier à l'architecture, en passant par les paysages naturels, tout scintille de magie, le vieux comme le neuf : est-ce qu'on a fait rafraîchir la façade de l'école pendant l'été ? Intervenir un paysagiste ? Car il me semble que le château et ses abords ont encore gagné en esthétisme depuis l'épisode précédent, de ses petites marches en pierre pittoresques pour descendre chez Hagrid, à cette immense et sublime horloge, métaphore de la clef du film, dont le mécanisme embarque une caméra mobile tout aussi subtile. Et coté nouveauté on est gâtées, de cette bicoque oblongue et difforme qui constitue une parfaite cabane hurlante, au décor du bureau de Lupin (et je ne dis pas ça parce que c'est mon personnage préféré... Enfin pas que, mais on reviendra, on reviendra sur la question des loup-garous. Mais pas avant de l'avoir redit : diable, comme la musique est grandiose!).
Mais voilà, une belle musique, et de beaux décors, et de belles images, même si c'est un bon début, ne constituent pas un bon film. Un beau film oui, et Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban l'est sans conteste, mais un bon film je ne crois pas. Et en tout cas certainement pas une bonne adaptation. C'est un film de deux heure vingt qui a pourtant le syndrome du court-métrage raté : cavalant comme un fou de scène-clef en scène-clef, sans jamais donner le temps à son spectateur de respirer, d'analyser ce qu'il vient de voir, ou simplement de profiter de ce qu'il est venu chercher : la vie à Poudlard, avec toutes ses fantaisies bizarres ou jolies. Rien n'est expliqué, rien n'est détaillé. On voit un match de Quidditch, mais on ne sait pas qui le gagne, on ne sait pas qui gagne le championnat, on ne sais même pas contre qui ils jouent ! Le fait même qu'Harry y frôle la mort est à peine examiné, le seul apport de la scène semble-t-il est qu'il casse son balais. Sauf que derrière c'est les même bêtises, le balais n'est pas remplacé avant la fin de l'année (alors quoi ? Harry a fait toute la saison sportive sur le balais du concierge?), et toute l'affaire du cadeau secret de Sirius est éclipsée. Est-ce que je reproche avec 100% de mauvaise foi les raccourcis habiles que sont obligées de faire les adaptations et que j'ai encensées dans mes critiques des deux opus précédents ? Oui complètement. Mais ça ne s'arrête pas là. Je n'ai que peu d'intérêt pour le sport, mais ce n'est pas le cas pour tout ce qui est matière d'humains se transformant en canidés. Et malheureusement, bien que le sujet soit le thème du film, celui-ci ne manque pas de raccourcis faciles et grossiers également. La forme de l'épouvantard de Lupin ce n'est pas « la pleine lune avec des nuages qui s'en vont de devant », c'est « une grande bulle d'argent » dit le livre, beaucoup plus mystérieux. D'ailleurs on ne prend pas la peine d'expliquer la potion que prépare Rogue à Lupin tous les mois, de toute façon on s'en fou, on ne va pas laisser le temps aux gamins de se poser la question de pourquoi Lupin n'a pas bouffé tous les élèves pendant l'année. Par contre, on nous montre une scène de grosse dame lacérée, de chien Sirius dans les buissons avant l'arrivée du Magicobus, on nous invente même un réel Sirius dans une tasse de thé (dans le livre il n'y a rien, c'est une invention de cette vieille folle de Trelawney), et on va même jusqu'à nous pondre du Sirius dans les nuages ! Et des explications ? Ah non pardon, on n'a pas le temps. Mais pas de panique, des explications en voici, on va inventer une scène ou Rogue et McGonagall vont aller raconter les vieilles histoires de famille de Harry à la tavernière, un coup de cape d'invisibilité, et hop ! Voila toutes les informations livrées au spectateur ! Pourquoi ils racontent tout ça à la barmaid ? Peu importe, servez-vous de votre imagination. Pas le temps non plus de révéler qui sont les auteurs de la carte du Maraudeur... Sérieusement, cette information avait quand même plus d'importance que de voir Tatty Potter s'envoler dans les airs, non ? Parce que je veux bien que c'est difficile de faire rentrer un livre encore plus gros que ses prédécesseurs dans la durée d'un film, surtout quand ledit livre a la spécificité de faire revivre le climax deux fois. Mais quand même. Il y a peut-être des choses qui auraient pu être oubliés plus facilement que d'autres. Oui le magicobus, c'est toi que je regarde. Et quand bien même, pourquoi avoir mis toutes les scènes de respiration au début, ça n'a pas de sens ! J'ai l'impression que le film s'est regardé en train de se faire, et a fini par se dire « Olala ! On a dépassé l'heure et demi là les mecs, il serait temps de s'activer si on veut tenir nos délais ! Allez hop ! Hop ! Hop ! On s'en fou du Quidditch, des examens, de Noël, de la politique et de toutes ces conneries d'adolescents de développement des personnages, on verra ça dans les films d'après ! ». Et c'est d'ailleurs comme ça que mes préférés n°3 et n°4 (eh c'est SensCritique ici, je fais autant de liste qu'il me chante ok?), les jumeaux Weasley, achèvent complètement leur métamorphose en side-kicks rigolos. Les voilà transformés en Bonnet Blanc et Blanc Bonnet, parfait, c'est parfait ! Mais peut-être aussi que c'est juste moi qui fait ma vieille grincheuse, parce que j'ai aimé le livre so much, et que j'attendais du film too much.
J'ai déjà beaucoup écrit, et pourtant je n'ai pas encore abordé la raison pour laquelle je regardais le film. Ou plutôt les raisons, parce qu'on va pas se mentir, la question de l'invisibilité était surtout un prétexte pour regarder un film de loup-garou. D'ailleurs sur l'invisibilité il y a peu à dire, comme d'habitude, la cape sort peu, et pas aux moments les plus utiles (t'aurais pas pu emmener ta cape magique dans le passé plutôt que de laisser Hermione radoter « on ne doit surtout pas être vus ! »). Nouveauté cependant, ça y est on peut utiliser la cape sans avoir besoin d'avoir les mains qui dépassent. Du coup c'est tout aussi illogique, pourquoi on voit cette sucette qui flotte et pas les doigts qui la tienne ?
Peu importe, c'est pas ça la question. La question c'est les différentes formes que revêt la lycanthropie dans ce film, et pourquoi Sirius et Lupin sont les personnages les plus stylés de la Terre. Et finalement ça n'a pas beaucoup d'importance non plus. Pour le deuxième point évidemment, le grand internet n'a pas besoin que je partage avec lui mes passions d'adolescente attardée pour des personnages de fiction (ne m'y encouragez ça, je suis capable de pondre encore pire que Twilight). Quant au premier point finalement, je n'en veut pas au film, ni à J.K. Rowling d'ailleurs, d'avoir dédoublé la lycanthropie entre ce qu'elle est, et ce qu'elle est dans l'imaginaire collectif. C'est même plutôt habile finalement, l'existence de l'une permettant de justifier l'existence de l'autre. J'adore d'ailleurs la magnifique histoire d'amitié qui explique l'origine de la conditions de ces personnages, explication qui, finalement, est peut-être la plus regrettable amputation qu'ai fait subir le film au récit. Chacun de ces deux loup-garous, car ils en sont tous les deux, vous ne me ferrez pas dire le contraire, a ses qualités et ses défauts, et d'ailleurs il est assez amusant de noter que Lupin est un bon humain mais un mauvais loup, tandis que Sirius est un mauvais humain mais un bon loup. Et que ni l'un ni l'autre donc ne sont des modèles à suivre.
Mon Sirius a coté de moi a sourit de voir son homonyme, qui ne lui ressemblait pas mal finalement, les castings ayant bien fait leur travail (c'est subjectif d'accord, n'empêche que leur Sirius ressemble plutôt à celui que je m'étais mentalement dépeint. C'est moins le cas malheureusement pour Lupin). Mais moi j'ai été intriguée de voir que finalement, la ressemblance n'est que physique, mais que pour le reste, c'est à Lupin qu'il ressemble beaucoup. Un mauvais loup, incontrôlable et sanguinaire, dans le corps d'un homme bon. J'ai consacré ces cinq derniers mois à essayer de l'aider, comme Lycaon l'avait fait avec moi, et il reste encore beaucoup de travail. J'ai choisi ce mois pour lui faire passer la double épreuve finale, celle de ne pas se transformer à la lune ronde, et celle de choisir d'être un loup pour la nuit sans lune. Il en est capable. Mais comme Harry avec son Patronus, j'ai l'impression qu'il a besoin d'une bonne décharge de prise de conscience pour y aboutir.