De tous les films de la saga, c'est sur celui-ci que mon choix se portera pour établir une critique. Pourquoi ? Car il constitue une charnière : un moment où l'univers d'HP s'est à la fois amélioré partiellement et temporairement, mais aussi un moment où il s'est dégradé complètement et irrémédiablement. Je m'explique.
Chris Columbus avait, je trouve, plutôt bien restitué les deux premiers romans. Bon, quelques défauts étaient déjà présents : Harry n'était pas assez maigrichon et décharné (loin de là, Daniel Radcliffe n'a jamais eu d'Harry Potter que les lunettes), Hermione n'avait pas de grandes dents, Ron n'était pas assez miteux et débraillé (pour ces deux derniers, c'était acceptable). Le plus grand défaut des deux films de Columbus ayant été pour moi le visage de Voldemort, synthétisé en visage de vieux papy (et avec un nez, hérésie - remarquez, Ralph Fiennes et sa tête de poisson, c'est pas mieux).
Mais les qualités étaient là, il nous a présenté un monde de moldus crédible sans ciel photoshopé à outrance de partout, et un monde de sorciers féerique, bien que cachant une certaine noirceur. Jedusor avait été très bien casté (l'acteur fut hélas changé dans le 6ème opus pour des raisons vraiment pas valables), John Williams a composé l'une de ses plus belles œuvres et donné à Voldy un thème aussi puissant que celui de Vador (qui ne sera jamais utilisé après son départ... fuuuu...).
Et puis, entre la Chambre des Secrets et le Prisonnier d'Azkaban, tout a changé. Premièrement, Richard Harris, éternel Dumbledore pour moi, le seul et l'unique, est mort. Columbus décide d'arrêter de réaliser la saga et est remplacé par Alfonso Cuaron. Seul reste John Williams, qui pour notre plus grand malheur à tous ne composera pas la musique des opus suivants.
Premier problème, et pas des moindres : Cuaron réalise un film plus court que les deux premiers, alors que le livre qu'il est en charge d'adapter est bien plus long. On se doute déjà que les libertés prises seront plus grandes (il y en avait déjà, et là ça devient vraiment gênant). Le scénario de ce film et des suivants est donc bancal, avec une continuité douteuse ; le matériel littéraire n'est simplement pas respecté. Columbus était resté raisonnable dans ses modifications (qui étaient bien entendu nécessaires), et à partir de cet opus ce ne sera plus le cas dans la saga.
Ensuite, Cuaron bouleverse totalement l'univers visuel mis en place par les deux premiers opus. Alors c'est très joli, magnifique même, et techniquement bien plus abouti que ce qu'on avait avant (et que ce qu'on a eu ensuite, m'enfin ça c'est une histoire de goûts). Mais voilà : l'univers de Columbus, bien que plus simpliste, reflétait bien mieux l'univers des livres. Poudlard change complètement d'apparence (mais d'où sort ce foutu pont ?), les uniformes aussi changent et sont beaucoup moins présents (Harry porte pratiquement toujours une robe de sorcier dans les livres, ça fait partie de l'identité de la série), des personnages sont totalement transformés (la palme revenant au professeur Flitwick, mystérieusement rajeuni et n'ayant plus rien à voir avec le Flitwick des livres, et la Grosse Dame n'est pas en reste). Dumbledore passe du grand sage noble vêtu de pourpre au vieil excentrique mollasson recouvert de draps. Les baguettes aussi changent. Au niveau de la continuité et de la fidélité aux livres, c'est une véritable aberration.
La magie féérique est donc remplacée par une sorte de magie "bohémienne" (désolé, c'est la seule manière de qualifier ce changement que j'ai trouvé) ; sachant qui plus est que seulement deux mois sont censés séparer cet opus du précédent, il y a quand même un problème. Donc non-seulement les deux premiers opus sont ignorés et la continuité violée, mais en plus ça correspond moins à l'univers des livres, livres pour lesquels la continuité est très importante.
Alors après c'est certes superficiel mais, admettons-le, vraiment très beau. Williams, qui est présent une dernière fois dans cet univers, s'y adapte d'ailleurs remarquablement bien. Il compose une BO similaire mais différente, avec plus de flûtes et de cordes, une B.O. plus baroque, qui colle parfaitement à l'image du film ; ce type a la capacité d'évoluer en même temps et de la même manière qu'une saga qui détruit sa propre identité, et ça c'est vraiment badass.
Ce film donc, bien que beaucoup plus abouti que ses prédécesseurs d'un point de vue technique, donne l'impression de se dérouler dans un autre monde, un autre univers que les deux premiers. On ne connait pas cet univers, ni ces personnages. Ce n'est pas là qu'on a passé les deux premiers films, et pas avec ces personnes. Ça donne une impression de malaise.
Cette identité visuelle sera gardée dans les opus suivants (seulement au niveau des décors : comprenons-nous bien, c'est très subjectif mais cet opus reste mon préféré par rapport à sa photographie et son style de montage, bien qu'encore une fois ça ne soit pas approprié à HP) et la saga deviendra une bête série fantastique pour adolescents au lieu de la fresque de magie, d'ombre et de lumière qu'elle était appelée à être. L'épisode suivant, la Coupe de Feu, selon moi le pire de toute la série (sur le fond comme la forme), a achevé Harry Potter pour moi (alors que c'est juste un peu le pilier central de la saga, hein ! ffs), et les autres ne pouvaient paraître que bons après ça. Sur le fond l'intrigue s'est faite massacrer, sur la forme on se retrouve avec des effets visuels impressionnants mais totalement superficiels et inadaptés à cette oeuvre ; la musique des Harry Potter s'est difficilement remise du soundtrack du 4ème opus (bon, c'était tout de même pas trop mal avec Hooper, et même très bien, mais l'OST du quatrième était... atroce, mis-à-part un ou deux morceaux ; le contraste avec ce qu'on avait eu avant était insupportable), cependant Alexandre Desplat a fait du très bon boulot dans les deux derniers... Hélas les OST d'HP n'ont jamais plus eu quelque-chose à voir avec les thèmes atemporels et inoubliables de John Williams.
Le Prisonnier d'Azkaban n'est au final que le premier opus de tous les films franchement moyens (et carrément mauvais en tant qu'adaptations) qui l'ont suivi. Plus abouti et moins sombre que les suivants, rejetant les précédents, il pose les bases de ce qu'est devenu la saga Harry Potter ensuite, à savoir une oeuvre inégale, visuellement superficielle, qui adapte mal à tous points de vue les livres dont elle est issue, qui ne fait que peu de références aux deux premiers opus tant elle jure avec eux (avant de tenter de se rattraper maladroitement dans les deux derniers), bien qu'ils soient bien plus Potteresques que leurs successeurs.
On ne peut pas enlever à ce film qu'il a, en tant qu'entité propre, une forte personnalité, bien plus marquée, affirmée et originale que les autres films de la saga. Esthétiquement, il reste mon préféré, en ne considérant pas la responsabilité qu'il a par rapport à une mythologie qu'il est censé respecter et perpétuer. Toutefois il a bel et bien donné naissance au déviances qui ont éclaté dans l'opus qui a suivit (eurk), déviances moins accentuées dans les suivants (de la Coupe de Feu) mais bien présentes, incrustées et incorrigibles.
Pour conclure, la saga Harry Potter aurait du être adaptée après que les livres aient été terminés, et peut-être pas en films. En série, ou en dessin animé, ou même en anime. Les fans n'auraient pas eu à faire face à tant de déceptions. Et puis de toute façon, rien n'égale les livres, où on a vraiment l'impression d'être immergés dans cet univers complexe et de vivre avec toutes ces personnes. Dans les films, on observe de loin un univers inconnu, changeant, bourré d'ellipses ; et je n'ai jamais ressenti de proximité avec le trio cinématographique, en particulier à partir de ce film-là, proximité avec les personnages qui est l'essence même du génie de J.K. Rowling.
Dans l'avenir, peut-être que ce genre d'adaptation se fera.