sept 2011:

Mon 3e Taboada, après "Mas negro que la noche" et "El libro de piedra" et j'aime déjà ce style très mexicain, empruntant largement à l'esthétique hollywoodienne, mais dont la latinité expressive peine à se dissimuler, ce mélange de puritanisme et de provocation sensuelle et surtout cette incroyable facilité à transformer un récit, plutôt naïf, en une trame maitrisée et vraiment palpitante. J'aime beaucoup cette zone floue pleine de charme dans laquelle le film se meut, entre rêves et cauchemars.

J'évoquerais volontiers le style assez rigide qui se dégage des costumes, des coiffures, des attitudes et que les personnages développent tout le long du film. Cet univers étriqué, essentiellement féminin, s'inscrit sans doute dans une tradition du cinéma de suspense. On pense évidemment à Henri-Georges Clouzot et ses "diaboliques" mais les chignons stricts, les tailleurs et les jupes plissées font plus encore référence au cinéma période américaine d'Alfred Hitchcock. Et puis ajoutons à cela une dose d'effroi venue du pays des maléfices. Taboada maitrise parfaitement son histoire, ses rythmes avec les ingrédients très classiques du genre fantastique. Difficile alors de ne pas songer à Mario Bava.

Le suspense est garanti et ce, en dépit d'éléments qui paraissent tellement banals, voire stéréotypés qu'on s'installe dans une sorte d'attente, celle de la catastrophe, de l'ennui, du sourire moqueur. Rien de tel en ce qui me concerne. Je parlais de naïveté plus haut. C'est vraiment ça. Les effets de mise en scène sont attendus, visibles et malgré cela, on frémit, on s'inquiète, on est mal à l'aise. Néanmoins, ce film-là est peut-être moins percutant et effrayant que ceux que j'ai cité au début de cette critique. Le spectateur reste sur la marge. J'ai connu le frisson de la trouille qui parcoure l'échine en voyant "Mas negro que la noche" ou '"El libro de piedra". Pas ici. Juste une latence angoissante qui persiste.

N'empêche, un charme diffus s'installe très vite pour durer. Ce charme discret de la bourgeoisie mexicaine est d'autant plus sensationnel qu'il se double d'un semblant d'érotisme puritain que d'aucuns trouveront sans doute factice, très artificiel. Je le conçois. Pourtant, cet ajout me parait au contraire une excellente idée de rupture, pour ménager un temps de respiration, d'alternance vivifiante, avant de reprendre le cours horrifique du récit. Léger, coquin plus qu'érotique, mais dans le Mexique de l'époque, cette liberté soutifaire avait l'allure d'une outrance parisienne, piment exotique, européen. Charmant usage.

Quel dommage qu'il n'y ait personne pour restaurer ce film! On hérite ici d'une copie très laide qui ressemble bien plus à un enregistrement télé sur vhs. C'est triste. Taboada mérite tellement davantage! Triste et incompréhensible, c'est du bon cinéma de genre.
Alligator
7
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le 19 avr. 2013

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