Chu Yuan, la quintessence virtuose de la direction artistique

Entre deux épisodes de la série des Sentimental Swordman, Chu Yuan a tourné un segment de ce film à sketch fantastique à la fragmentation inhabituelle puisqu'il n'y a que deux histoires et que celle de Chu Yuan dure 55 minutes (pour une durée totale de 90 minutes).


En tout cas, le cinéaste livre une nouvelle fois une réussite ahurissante. Le scénario n'est en tant que tel pas très originale avec un jeune couple qui emménage dans une immense maison où des manifestations étranges ne tardent pas à terroriser l'épouse, seule personne pouvant les percevoir.
L'histoire ne raconte pas grand chose et n'offre aucun sous-textes alors qu'on aurait pu avoir une parabole sur la condition des femmes (comme pouvaient le faire les équivalents sud-coréens de la même époque). Tout repose donc sur l'ambiance. Et quelle ambiance !
Le décor principal, la maison, est l'un des plus impressionnant que j'ai jamais vu avec une sorte de vaste intérieur qui ressemble à un immense loft où chaque recoin possède une identité particulière avec un mélange d'influence artistique/architecturale fascinant et très osé, conçu d'un seul bloc entre pop art, grande baie vitrée, végétation tropicale, cubisme etc.... Chu Yuan peut ainsi placer sa caméra n'importe où pour créer immédiatement un climat dérangeant et presque torturé, surtout quand il rajoute des éclairages vifs qui habillent certains parties de l'images avec des filtres colorés dignes des meilleurs Bava/Argento. Une nouvelle réussite picturale d'une virtuosité plastique ébouriffante qui permet au film de ne jamais lasser malgré son scénario assez répétitif dans ses effets et à la chute plutôt prévisible.


Le second segment est réalisé par He Chi Chiang connu pour ses films hardcores ultra dérangeants et racoleurs comme Man behind the sun ou The Nanking massacre, des « oeuvres » qui ne m'intéresse absolument pas par ailleurs.
Ici, c'est beaucoup plus soft voire inoffensif bien que déjà bien putassier. C'est cependant tourné avec un second degré qui fait bien passé le mauvais goût du scénario où un gardien d'immeuble est contacté par un esprit qui lui promet fortune s'il ne cède pas à la folie des jeux, la luxure et le meurtre... Conseils qu'il transgressera évidemment, forçant par exemple une voisine hautaine à « attraper » des billets de banque avec ses seins ! Évidement la table est transparente et le nouveau riche à la bonne idée de pimenter le jeu en arrosant copieusement la table qu'il parsème de fleur. Un grand moment de poésie féministe assurément.
Cynisme et voyeurisme sont donc au programme de cette petite critique sociale de l'arrivisme, de l'arrogance et du mépris (façon lutte des classes revancharde). Ca dure 35 minutes et sur un format de cette taille, c'est l'idéal. Rien de nouveau dans le scénario là encore, par contre la chute est pas mal du tout (et assez gore pour le coup). Ca casse pas trois pattes à un canard mais c'est rigolo pour son mauvais goût assumé.


Grosse déception par contre : Haunted tales n'a l'air d'être sorti qu'en VCD alors que le segment Chu Yuan mériterait largement un blu-ray. De plus la compression est vraiment pas discrète. Faut dire que le premier disque comprend 6-7 minutes de bandes-annonces et 98% du premier sketch alors que le second ne possède que les deux dernières minutes du Chu Yuan (c'est idiot déjà de l'avoir découpé pour si peu) et les 35 minutes du He. Pas très équilibré du coup.
Ca donne ainsi une photo un peu trop sombre pour le Chu Yuan, en plus de la compression visible au possible.


Je croise les doigts pour une ré-édition digne de ce nom.

anthonyplu
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le 30 sept. 2017

Critique lue 225 fois

anthonyplu

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