L'autre film
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« C'est pas son meilleur. »
Certes on le pense, mais qu'est-ce que ça veut dire ? Comme si on parlait de vin : qu'est-ce qu'un bon Mekas ? Ça dépend des années filmées ? Pas vraiment, le regard reste le même, les images similaires. Disons plutôt que cela repose sur un étrange équilibre que chaque film relance.
Équilibre entre un ton torturé/apaisé ; une bande image surexcitée qui entremêle des moments espacés et une bande son épurée qui oscille entre des sons pris avec un magnétophone à l'époque des images mais légèrement décalés (il ne s'agit pas tout à fait de ce qui est à l'image, en synchronisation, mais c'en n'est pas si loin non plus), des airs de musique que l'on finit par reconnaître de film en film (développant ainsi l'habitude et la nostalgie), et la voix de Mekas ajoutée au moment du montage du film et non des images filmées (créant cette béance poétique typiquement mélancolique).
Ce qui fait défaut ici, c'est que cette marque sonore, cette présence par la voix pourtant structurante s'avère presque absente. Mekas laisse les images parler plus que lui, encore plus que d'habitude, ne leur indiquant même pas un thème, une colonne vertébrale. Il s'agit de vues lumières 2.0 — Walden est dédié aux frères Lumière et le premier sketch ici est une sortie d'usine, comme le premier film du cinéma La Sortie de l'usine Lumière à Lyon — que Mekas, pour une fois, ne dialectise pas avec une thématique, une phrase répétée, une idée directrice. Les images sont, pour ainsi dire, laissées nues.
Et pour retrouver la structure qu'il perd avec ce choix — dans ce type d'équilibre abstrait, il s'agit de vases communicants —, Mekas ordonne He Stands in a Desert Counting the Seconds of His Life suivant des petits portraits, des séquences très reconnaissables (par un intertitre donnant souvent l'action, le lieu et la date) qui limitent les amalgames entre les différentes spatio-temporalités et du même coup l'accès à la liberté poétique, au fait que l'on puisse tout associer, selon ses propres ponts, les subjectivités de chacun·e·s.
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Créée
le 17 avr. 2022
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