Another life in the universe
Ceux qui comme moi ont apprécié l'étrange "Last Life in the Universe" risquent de prendre un plaisir similaire devant cet étrange polar noir de l'instable Pen-Ek Ratanaruang.
C'est au film noir que s'attaque le thailandais, avec une histoire pour le moins intriguante puisqu'elle met en scène la fuite en avant d'un ex-flic ayant reçu une balle en pleine tête lors d'une mission, qui lui fait désormais voir la vie à l'envers. Au sens propre, pour ce mec les gens marchent au plafond, ce qui est plutôt gênant dans son métier.
Entre les mains de n'importe qui d'autre ça aurait du donner un thriller classique mené tambour battant (ou alors un machin informe tout en plans séquences avec l'image à l'envers si on était chez Gaspar Noé), mais c'est chez Pen-ek Ratanaruang que nous sommes.
Donc à la place de se baser sur l'histoire (tirée d'un roman très célèbre en thailande) qui est celle d'un film noir typique, c'est sur le personnage et a sa quête dépressive d'un idéal que s'appuie le réalisateur, exactement comme il l'avait fait pour le libraire de Last Life... A l'exception près qu'on a cette fois là droit à des gunfights chorégraphiés assez impressionnants, dans le style des polars de Johnnie To. Et il mixe intrigue policière et drame pour en tirer une quête existentielle assez passionnante, qui navigue entre plusieurs époques de la vie du héros, vrai caméléon qui change d'apparence au moins cinq fois dans le film, jusqu'à devenir bouddhiste (religion qui devient par moments un fil conducteur pour le personnage).
Et on navigue entre deux eaux, portés par un montage curieux qui nous ballade d'avant en arrière sur la timeline de l'histoire au gré des rencontres du personnage, en enchaînant cut la brutalité du polar avec des scènes intimes toujours un peu distantes mais finalement émouvantes, très caractéristiques du réalisateur. La lumière et le cadre sont comme d'habitude soigneusement travaillés, aussi bien pour une fusillade dans le noir que pour une ballade contemplative en forêt.
Reste la relation du personnage avec les trois femmes qui vont croiser sa route, à priori déterminantes mais très mal utilisées, et quelques faux pas au niveau du montage qui viennent embrouiller un peu trop l'aventure, mais sinon ça reste un drame très surprenant qui sait éviter de sombrer dans la noirceur, même dans son dénouement.
Finalement ce Headshot pourrait se voir comme une relecture plus accessible de Last Life in the Universe, un peu plus maîtrisée mais pour le coup moins atmosphérique. Une longue virée nocturne captivante qui vaut le coup d'être tentée.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.