Ermites de Sisyphe.
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Plusieurs très bonnes critiques ont déjà été écrites sur ce très bon film. Je passe sur l’esthétisme du film, les scènes d’action prodigieuses, le casting 5 étoiles, le scénario, le rythme maîtrisé. Je voudrais centrer ma critique sur un thème qui me paraît être au cœur du film : la solitude. Elle est présente à travers la situation des personnages et à travers le vocabulaire lui-même : Neil est « seul … pas solitaire »; lors du face-à-face, Vincent lui demande s’il est « moine », du grec monos qui veut dire : un, seul, solitaire ; Eady est « très seule » ; Vincent traque ses proies de jour et de nuit délaissant toute vie familiale consistante ; Justine cherche à le retenir sans y parvenir et demeure seule ; sa fille Lauren, cherche désespérément un père et finit par tenter de s’enlever la vie dans un geste d’appel au secours désespéré ; Chris ne peut « vivre sans elle », et « elle », Charlene, demeure seule face à lui qui craque l’argent dans les jeux.
Tout être humain est fondamentalement seul quelle que soit sa situation, il y a simplement les personnes qui l’assument et ceux qui la fuient par tous les moyens. Neil et Vincent sont des êtres qui assument de manière consciente leur solitude, elle se traduit par des choix de vie qui en font des solitaires. L’un en montant et en réalisant des « coups », l’autre en traquant sans relâche ceux qui montent des coups. Tous les deux sont seuls et l’acceptent, et parce qu’ils l’acceptent ils sont capables de vraies rencontres et de face-à-face, comme celui qui a lieu dans le café où ils se parlent, en peu de mots, avec une véritable profondeur, au point de s’appeler « frère ». Les personnes qui n’assument pas leur solitude ne sont pas capables de « face-à-face », mais ne peuvent vivre que des relations fusionnelles en absorbant l’autre ou en se laissant absorber. Neil et Vincent ne veulent pas d’une « vie normale » : « barbecue, et baseball … » et ils ont fait le choix de vivre dans le risque. Cette solitude est au cœur de leur mode de vie, mais aussi dans leur capacité à faire un choix. Car choisir c’est se confronter à la solitude, personne ne peut choisir à notre place. Et justement le « choix » est un thème récurrent dans ce film. À plusieurs reprises, Neil, tel un accoucheur, aide l’autre à naître à lui-même en faisant un choix, pour ne pas subir la vie, mais la vivre : son équipe à qui il dit : « On casse la banque ou on se sépare », Michael répond qu’il est prêt à le suivre dans tous les cas, et Neil rétorque : « pas cette fois, Michael, là tu décides tout seul » ; Donald, en contrôle judiciaire qui est placé en quelques secondes face au choix de continuer un travail où il est exploité ou de reprendre le banditisme, Neil lui dit : « j’ai besoin d’une réponse tout de suite : oui ou non » ; Charlène à qui Neil dit : « tu choisis : tu me quittes maintenant ou tu viens avec moi » avec tout ce que cela implique de ruptures et de risques.
Il existe heureusement, bien sûr, d’autres voies que celle de devenir gangster ou de traquer les gangsters pour être pleinement humain en accueillant et en acceptant pleinement sa différence et en choisissant consciemment la manière dont nous voulons vivre notre vie !
La solitude assumée qui nous est présentée dans ce film n’est pas désespérée, au contraire. Celui qui accueille et accepte sa solitude fondamentale est capable de « face-à-face », il est aussi capable de communion et c’est la dernière image que nous offre le film, image magnifique que celle de ces deux hommes qui se donnent la main. Lequel est le plus seul à ce moment-là entre celui qui passe de l’autre côté et celui qui reste sur la rive ? Mais ce passage à travers la mort, ils le vivent ensemble, réunis.
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Créée
le 8 nov. 2020
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