Heat
7.8
Heat

Film de Michael Mann (1995)

Un film-somme : M. Mann conjugue une efficacité scénaristique absolue (les 2h50 s'enchaînent de manière très fluide) avec un sens de la mise en scène qui a fait sa réputation.

Bien au-delà d'un simple film de braquage (même si les scènes proprement dites sont très prenantes, elles ne sont pas les séquences les plus intéressantes à mon avis), Mann réalise un film qui décrypte la vie de plusieurs hommes qui semblent condamnés par leur fonction ("Je fais ce que je sais faire de mieux, faire des coups ; et toi aussi, tenter d'arrêter les gars comme moi" dira De Niro à Al Pacino lors de leur première confrontation, l'une des scènes les plus réussies du film), mais encore davantage par le temps qui passe.

Ce motif temporel est le fil rouge du film : au-delà d'une tension quasi omniprésente liée à la nature même de l'histoire, les personnages sont constamment pris par le temps (Al Pacino par son métier d'inspecteur qui fait de lui un mari fantôme et un homme sur les nerfs - ceux-ci lâchent d'ailleurs de temps en temps ; De Niro qui vit, selon sa doctrine, sans attaches personnelles et concentre toute sa vie autour des crimes qu'il commet ou va commettre ; le temps qui manque lors des braquages (3m chrono) ; celui passé en prison qui conduit à reconsidérer les risques à prendre...). C'est pourquoi les quelques moments d'apaisement (la rencontre de De Niro avec la libraire et l'histoire qui en découle, notamment) apparaissent comme une respiration bienvenue, permettant de creuser plus loin dans la psyché des personnages.

C'est paradoxalement la décision d'enfin "prendre le temps" pour aller venger ses camarades à l'hôtel Jameson, alors même qu'il est à deux doigts de s'en sortir, qui perdra le personnage de De Niro : on peut se demander s'il n'appartient pas en réalité à cette catégorie que lui décrivait Al Pacino au diner, "les hommes qui commettent des erreurs exprès et attendent d'être arrêtés".

Au-delà, le long-métrage nous offre une galerie de personnages mémorables, sublimés par l'interprétation des acteurs et actrices (Al Pacino se distingue au sein de performances pourtant toutes remarquables, c'est dire). L'autodestruction les guette à chaque carrefour (Val Kilmer addict au jeu, Tom Sizemore et Donal Breedan - dont l'histoire parallèle le rend attachant, malgré son faible temps d'écran - à l'adrénaline des braquages, Natalie Portman en pleine crise d'adolescence mortifère...) : peu auront le droit à la rédemption, mais la rédemption n'est pas ce qu'ils cherchent (Al Pacino dit "se nourrir de son angoisse"), et c'est ce qui fait la force du film. Ni bêtement moraliste, ni complaisant à l'égard de la nature criminelle de ses protagonistes, le long-métrage présente une histoire a priori simple, mais qui dévoile beaucoup plus que ce à quoi on pouvait s'attendre.

Un dernier mot sur la musique, qui accompagne le film avec brio, et ce jusqu'à la scène finale, intense et puissante : un dernier plan magistral, pour deux acteurs qui se réunissaient pour la première fois au cinéma.

NilsHeinrich
9
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le 15 sept. 2024

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Nils Heinrich

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