Hellboy Del Toro, de mon point de vue, est une très mauvaise adaptation mais un très bon film.
Il y a un gouffre sans fond entre le comics de Mignola et ce qu'en a fait Del Toro.
Le scénario remodelé pour le cinéma est correct, mais ne casse pas trois pattes à un canard cul-de-jatte, et...
Avant de poursuivre, respectons une minute de silence pour tous les canards culs-de-jatte qui souffrent. Tous les jours. Merci.
Le scénario donc. Il était difficile d'adapter le patchwork narratif que constituent les séries Hellboy et B.P.R.D. Le réalisateur a choisi d'extrapoler pour créer un conte nouveau, condensé et facile à suivre : un scénario de blockbuster.
Car c'est ce que sont HellboyII et son prédécesseur : des blockbusters.
De nombreux partis pris sont injustifiés. Deux personnages clés du comics (Roger l'homoncule et Kate Corrigan) n'existent pas, alors qu'ils sont majeurs dans l’œuvre originelle.
L'histoire d'amour entre Hellboy et Liz Sherman (seulement amis dans la BD), à défaut de nuire, est inutile. À croire que réaliser un blockbuster sans romance est qualifiable de peine de mort aux U.S.A ; il y a fort à parier que, pour une telle production, les studios soient à blâmer pour ce choix, c'est pourquoi il faut rester indulgent, mais tout de même.
À force de revoir le film, bien des détails me choquent. Pourquoi les agents du B.P.R.D sont-ils habillés en costard cravate façon MIB alors que dans la BD ce sont des militaires entraînés, vêtus d'un uniforme avec gilet pare-balles comme celui que porte Liz dans le film et que tous devraient logiquement aborder ?
Pourquoi Hellboy saigne-t-il quand un bête humain lui jette un caillou sur la joue, alors qu'il vient de se faire tataner la tronche par un monstre colossal doté d'un poing de métal ?
Ce qui me choque le plus, c'est bien sûr ce qu'on a fait des personnages. Leurs personnalités ne sont ABSOLUMENT PAS RESPECTÉES (à part peut-être celle de Liz) et leurs pouvoirs sont MODIFIÉS. Non mais sérieux ! Sans vouloir futilement épiloguer sur ces points, Abraham Sapiens n'est PAS un side-kick intello qui peut lire les gens en les touchant, c'est un être sombre en quête d'identité.
Liz Sherman n'est PAS une fille paumée qui explose quand elle ressent une émotion, elle détient une force occulte en elle qui peut insuffler la vie ou déchaîner l'apocalypse, et qui lui donne le pouvoir de pyrokinésie (définitivement plus la classe qu'une torche humaine émotive).
Hellboy n'est PAS un gros fruste beauf et grande gueule, c'est un enquêteur de l'occulte destiné à régner sur le monde, qui porte le fardeau d'une destruction qu'il ne veut pas déclencher. Et son père adoptif n'est PAS un papounet gentil, c'est un professeur froid et distant qui n'a pas traité Hellboy comme son fils mais qui l'a pris sous sa tutelle. Nuance.
Et bon sang, Johann Krauss n'est PAS un coincé autoritaire qui peut prendre le contrôle de tout et n'importe quoi, c'est un homme qui était sorti de son corps pour aller visiter les morts et dont la chair a été consumée, le condamnant à rester dans sa forme immatérielle...
M'voyez les différences un peu ? Eeeh oui les amis !
Mais ce que je voudrais dire d' HellboyII ne réside pas dans ces défauts. Ce n'est pas de cela dont je veux parler.
Je veux parler d'un de mes films préférés.
Un film que je peux revoir chaque année sans m'en lasser, que je connais par cœur. Un film que je considère comme un des meilleurs blockbusters de l'histoire du cinéma.
On pourrait, comme je le cite plus haut, le renier pour ce qu'il à fait de l’œuvre qui lui a donné naissance. Tout comme on pourrait rêver (et j'en rêve) d'une adaptation fidèle au comics de Mignola, sombre, épique, mature et frissonnante.
Mais à l'époque du tout numérique, de la production de masse qui fabrique l'audiovisuel comme on fait grandir des animaux en élevage intensif, et le commercialise comme des menus MacDo, HellboyII s'impose comme une alternative.
Dans la lignée de King Kong, de Jason et Les Argonautes, de Star Wars (le marché des trolls n'est pas sans rappeler le charme artisanal de la vieille trilogie), de Jurassic Park, de Men In Black (les couloirs du B.P.R.D et leurs agents semblent fortement pompés dessus), du Seigneur des Anneaux, pour ne citer qu'eux.
À savoir des blockbusters honnêtes réalisés par des passionnés, dont le but est d'offrir un réel spectacle doublé d'un franc divertissement; en exploitant au mieux les effets spéciaux de leur temps pour porter une aventure à l'écran, sans lésiner sur l'effort.
L'univers développé dans HellboyII, à l'instar du plus timide Hellboy, est varié, riche, sublime. Une esthétique fantastique merveilleuse à regarder, dont le rendu a nécessité un travail aussi monstrueux que les créatures qu'on y trouve.
Alliant images de synthèse modernes, carton-pâte et marionnettes à l'ancienne, Del Toro crée un monde absorbant en plus d'être esthétiquement MAGNIFIQUE malgré son budget limité.
Le travail de Mignola -toujours présent derrière les dérivés de son univers- sur les croquis qui ont fondé la direction artistique, et l'implication de Del Toro confèrent à l’œuvre la cohérence d'un monde enchanteur, pour ne pas dire poétique.
Il est bon de noter que si le script ne respecte pas les personnages (quoi, je radote ?), ils sont extrêmement bien retranscrits à l'écran, si bien qu'il serait difficile de mieux leur donner vie physiquement. Accordons au moins ça au réalisateur : il a su, ne serais-ce que visuellement, mettre en mouvement un imaginaire à l'identité très forte tout en conservant partiellement sa beauté intrinsèque.
Je voulais dire qu'il a prit Del Toro par les cornes, mais ce jeu de mot est déjà pris, niquenouille.
Si les personnages sont malheureusement réinventés, ils n'en sont pas moins bien interprétés. Ron Perlman est un bon acteur qui mériterait d'être plus souvent mis en avant ; il a su rentrer dans la peau du démon et le rendre carrément badass, ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Ron est une perle, man.
Quant à Selma, je la blaire.
Voilà, ça c'était gratuit. Même pas contextualisé, tu vois. Cash. Comme ça. Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu connais pas ma vie, cousin. Maintenant on peut poursuivre.
Même la BO est vraiment bonne. Danny Elfman, compositeur talentueux quoi que fréquemment reclus dans un registre réduit, était tout désigné pour un tel accompagnement sonore, offrant aux scènes leur fond d'air mystérieux.
Les deux séquences musicales accompagnées de Eels et Barry Manilow, Beautiful Freak et can't smile without you sont jouissives de justesse, et fort représentatives de l'intelligence du film qui ne se prend pas pour ce qu'il n'est pas.
Peut-être Me méprend-je sur la qualité d'une œuvre que j'adule. Mais l'avis général prouve qu'elle n'est pas à jeter si on l'apprécie à sa source.
Le rythme est endiablé (roulement de tambour, cymbale), les scènes d'action s’enchaînent et sont toutes plus spectaculaires et mieux chorégraphiées les unes que les autres.
Prenez le duel final entre Hellboy et le prince Nuada : contrairement à de nombreux combats entre créatures fantastiques, celui-ci se pose comme une référence, tant il parvient à rendre crédible un combat à priori factice, tant cet affrontement sur les engrenages entre le démon espiègle et le guerrier agile s'avère savoureux.
Le lien entre le prince et sa sœur est bien trouvé, donne un enjeu dramatique intéressant (devoir affronter un adversaire dangereux sans pouvoir le tuer) et est, lui au moins, digne d'une idée de la BD ; toutefois sans effleurer comme il se devrait des légendes où Mignola puise l'encre qui noircit ses pages...
L'humour, en plus d'être (ré)créatif, ajoute ses touches de bonne humeur et nous rappelle que le film est à prendre avec légèreté.
J'ai eu la chance de connaître l'adaptation avant le comics, et je crois que si c'eut été l'inverse, l'amertume de l'adaptation galvaudée aurait froissée ma perception du film jusqu'à m'empêcher de le voir pour ce qu'il est ; l'un des films les mieux rythmés, les plus beaux, les plus drôles que je connaisse. Une œuvre inspirée qui a demandé un gros travail de costumes, de décors, un investissement artistique, mué par le désir de divertir les gens avant celui de s'enrichir sur leur dos.
HellboyII c'est la magie du cinéma, la splendeur d'un art à l'ouvrage en toute simplicité.
Le comics, loin d'être l'objet pulp que le film laisse suggérer, est l'une des BD les plus extraordinaires existantes, munie d'une identité graphique ainsi qu' un développement de personnages à couper le souffle ; mystique, enivrante, complète et mythologique. Loin du blockbuster auquel il a donné naissance, c'est un monument, une série culte qu'il faut avoir lue, parce que c'est génial. Si ce n'est pas déjà fait...
ETEIGNEZ. L'ORDINATEUR. LISEZ. HELLBOY.
Alors voilà. Je considère HellboyII comme un excellent blockbuster. Il serait facile de le blâmer pour ses nombreux défauts. Facile aussi de le voir comme un film fast-food. Mais ce serait fermer les yeux sur un très bon divertissement truffé de trouvailles. Car l'on peut reprocher à tous les films de cette trempe, à commencer par ceux cités plus haut en comparaison, bon nombre de choses... seulement ce serait tristement oublier le plaisir qu'on a à les regarder.
Aucun canard n'a été maltraité lors de la rédaction de ce texte.