Avec cette deuxième réalisation, Han Jie signe un titre singulier d'une étonnante maîtrise qui mélange à la fois un dimension socio-documentariste très prononcée et une approche de plus en plus surréaliste pour finir sous forme de fable. Une alchimie discrète au début où seule l'aspect "onirique" est distillée au travers de nombreux mouvements de grue amples sans qui ne jure jamais avec sa narration à la lisière du néo-réalisme.
On suit ainsi le quotidien de cette petite ville entre les petites mafieux qui traînent en ville, les projets immobiliers qu'on devine pas trop réglementaire et des personnages marginaux assez touchants.
Un climat atypique qui possède un je-ne-sais-quoi de fascinant et hypnotique, sans doute portée par sa très belle photographie, l'élégance des travellings et un récit flottant aux enjeux troubles. Puis, doucement, sans crier gare, la seconde moitié se tourne vers une approche légèrement fantastique et satirique où l'idiot du village pourrait posséder des dons de prophète, gagnant ainsi le respect des voisins qui accourent pour entendre ses conseils après s'être moquer de lui durant des années..
J'avoue que je n'ai pas nécessairement compris toutes les nuances culturelles (il doit y avoir des références folkloriques, de vieilles croyances, des métaphores politiques sur la corruption), que quelques ruptures m'ont laissé un peu perplexe (un ou deux brefs rêves) et que le basculement du héros vers la sagesse mystique est un peu brutal mais j'ai été sous le charme de l'originalité de sa narration, de la présence étrangement magnétique de ses comédiens et encore une fois de sa maturité visuelle.
Après un premier film en 2006, Han Jie n'a rien tourné depuis Mr Three malgré les divers prix glanés par ses deux titres (tous deux produits pas Jia Zhang-ke). C'est bien dommage car il y a là une personnalité et un univers plus que prometteurs.