Hellraiser, rock you back in your seat
Je n'ai lu aucun roman de Clive Barker, et je n'ai pas apprécié tant que ça les deux premiers films Hellraiser, donc je n'ai jamais été très attaché à l'univers et ses personnages. Quand certains disent que le 3ème film de la saga s'éloigne de la mythologie d'Hellraiser, je ne m'en rends pas tellement compte, et de toute façon ça m'importerait peu. Dans mes souvenirs, Hellraiser III était une série B très inventive aux idées audacieuses, et j'avais envie de le revoir pour m'en assurer.
Anthony Hickox est un réalisateur qui a fait quelques films d'horreur appréciés, comme les deux Waxwork, mais sa carrière n'a jamais vraiment décollé.
Pourtant, on reconnaît un certain talent en voyant Hellraiser III. Le réalisateur arrive à poser une ambiance inquiétante, progressivement, minutieusement.
Il y a dans la BO cette musique délicate mais qui évoque un mal qui plane au-dessus de nos têtes, il y a cette action qui prend son temps, tandis que sont disposés peu à peu devant nos yeux des plans troublants. On voit une statue où corps en souffrance sont entremêlés avec un pilier grisâtre, on voit des instruments chirurgicaux étranges disposés par une infirmière sur un linge blanc, ... cette image est probablement une idée du réalisateur lui-même, car ça n'a aucune fonction dans l'histoire, ça sert simplement à ajouter une part de mystère et d'étrangeté dans une séquence à l'hôpital.
C’est à cela qu’on reconnaît certains bons réalisateurs : au-delà de ce que raconte le script, ils arrivent à inclure d’autres éléments, uniquement visuels, qui racontent quelque chose en plus. Quand l’héroïne prend le bus par exemple, une affiche d’un groupe religieux annonce "prepare for the 2nd coming", avec en dessous un numéro de téléphone qui finit par les termes "new gods". On peut aussi bien penser au retour de Jesus qu’à celui de Pinhead, qui d’ailleurs s’attaque à la religion plus tard dans le film.
Hickox place dans son film des idées visuelles fortes, appuyées par un éclairage appliqué, et un montage efficace qui laissent certains plans, très furtifs, juste assez longtemps pour qu’ils fonctionnent. Quand la première victime des Cenobites arrive à l’hôpital, on ne fait qu’apercevoir les chaînes qui laissent une traînée de sang au sol ; le plan aurait duré plus longtemps, il n’aurait pas eu le même impact.
Lorsqu’on voit le puzzle des Cenobites pour la première fois, il est tendu vers la caméra comme si le film était en 3D, avec une faible profondeur de champ. Lorsqu’on voit l’enseigne du club "The boiler room" (un drôle de lieu où se côtoient piste de danse pour clubbers et un restaurant chic), celle-ci est au milieu des flammes. Lorsque Pinhead bâillonne l’héroïne, il nous parle en très gros plan face caméra, avec sa victime à l’arrière-plan, le point étant fait sur eux deux grâce à une demi-bonnette. C’est un procédé qu’avait utilisé De Palma dans Blow out notamment, réalisateur lui aussi adepte des images coups-de-poings comme ça.
Et Hellraiser III est rempli de pleins de plans emphatiques et de martelages visuels de ce type, loin d’être subtils, mais marquants, et d’une exagération assumée qui me plaît.
On retrouve la même chose dans les bruitages : un homme mitraillé produit le bruit de chair qu’on écrabouille juste à côté de notre oreille, une goutte de sang qui tombe fait un bruit bien trop appuyé pour être réaliste, mais tout cela est signe d’un détachement du monde réel, toutes ces bizarreries nous transportent ailleurs.
On sent pas mal l’influence de la saga des Griffes de la nuit dans cet Hellraiser III, où Pinhead se voit doté de nouveaux pouvoirs et caractéristiques. Le monde des rêves occupe une place assez importante dans l’intrigue, et tout comme Freddy l’avait fait dans Les griffes du cauchemar, Pinhead change d’apparence pour piéger quelqu’un.
Comme Freddy, Pinhead revient encore une fois à la vie, soi-disant parce que le mal en lui est trop fort ; je pense que ça aurait été mieux de laisser une zone d’ombre concernant son retour, plutôt que cette explication bidon. Par contre, j’aime bien l’idée que l’ancien Pinhead, l’humain qu’il était, affronte ce qu’il est devenu, bien qu’en soit c’est saugrenu.
Comme c’était déjà le cas précédemment, le chef des Cenobites dispose de répliques souvent marquantes, mais le discours qu’il sert pour piéger ses victimes est loin d’être convaincant. L’une d’elles, contre la promesse d’avoir la possibilité de rêver, est prête à sacrifier quelqu’un.
Mais encore une fois, ce qui rapproche Pinhead de Freddy Krueger dans ce film-ci, c’est qu’il provoque des morts plus inventives et gores qu’avant, avec un côté gaguesque.
Les chaînes et crochets de Pinhead ne servent plus seulement à agripper la peau de quelqu’un, ils sont mis pleinement à contribution en arrachant un visage, des doigts, en ouvrant la peau d’un cou, etc. Mais certaines idées peuvent virer au ridicule, comme avec ces CD qui se plantent dans le crâne de quelqu’un, ou cette tête de Pinhead flottante qui devient un pic de glace s’enfonçant dans la gorge d’une femme !
Par rapport à ça, la fin du film est complètement dingue, tout l’environnement urbain attaque notre héroïne, les lampadaires explosent, une bouche d’égout s’envole, de l’eau électrifiée la poursuit. Elle est en plus de cela traquée par des Cenobites au look très original : un cameraman se retrouve avec sa camera dans la tête, un DJ lance des CD, … Mais le plus impressionnant, c’est le Cenobite avec un appareil qui transperce sa tête, y faisant avancer et reculer des pics, tandis que l’acteur est en train de jouer. Je me demande vraiment comment ils ont fait ça (on voit que l’acteur a une prothèse sur le crâne, mais tout de même, les pics sont placés trop bas pour passer simplement au-dessus de sa tête).
Certes, même sans connaître comme il faut l’univers créé par Barker, il est clair qu’il y a une rupture de ton avec les autres films ; celui-ci est plus fun.
Les fans sont peut-être trop attachés à l’œuvre originale pour apprécier Hellraiser III, mais pour moi c’est un bon petit film d’horreur, bien divertissant, comme on n’en fait plus.
Et on peut au moins être reconnaissant envers ce film pour lequel a été enregistrée la version de Mötörhead de la chanson "Hellraiser" !