Herbes flottantes, réalisé à la toute fin de la carrière d'Ozu, est un remake d'un de ses propres films des années 30. Il fait directement suite à Bonjour, inspiré d'un autre de ses films, Gosses de Tokyo. Dans ces deux films, Ozu sort quelque peu de ses intérêts habituels (le mariage des filles), et s'il parle toujours de la famille (et de comment faire famille), il prend ici l'exemple d'une famille bien particulière - recomposée, dirait-on aujourd'hui.

On suit une troupe de théâtre qui arrive dans une ville du Sud du Japon. Très vite, le vieux chef se rend discrètement, notamment vis-à-vis de sa compagne, dans une maison pour y retrouver une ex-femme, et surtout son fils d'une vingtaine d'années qui pense qu'il s'agit simplement de son oncle. Quand on rajoute les comportements toxiques du vieux chef et de sa nouvelle compagne, qui met peu de temps à tout découvrir, ça fait des étincelles. Cette dernière est d'ailleurs jouée par la fantastique Machiko Kyô (Rashomon, Les Contes de la lune vague après la pluie), et qui aura donc joué avec les plus grands réalisateurs japonais de son époque.

Au-delà de ça, et bien sûr du sens esthétique d'Ozu (ah, cette bouteille et ce phare sur le port dès l'ouverture du film), il n'y a quand même pas grand chose à se mettre sous la dent. Le scénario est éclaté au sol, et disparaitrait d'un coup si les personnages avaient un minimum de courage de dire la vérité (qui plus est une vérité assez facile à entendre et comprendre, rien de blessant dans l'affaire). L'histoire se finit d'ailleurs sur un deus ex-machina doux-amer très caractéristique d'Ozu, avec un changement de personnalité complet et abrupt du personnage principal. Les relations esquissées n'ont pas du tout la subtilité des autres films du réalisateur, elles sont au contraire brusques, claires, non-négociables pendant la majeure partie du film. C'est leur brutalité, autant verbale que physique, qui est ainsi mise en évidence. Violence qui contraste avec la douceur de vivre dans cette petite ville japonaise comme coupée du temps, et avec ces pétales roses de cerisier, véritables herbes flottantes, qui tombent de temps en temps de façon incongrue - même en intérieur.

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Samji

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