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Le cinéma fantastique semble être devenu depuis quelques années le terrain d'expérimentation de jeunes metteurs en scène ambitieux, qui aspirent à conjuguer une vraie intelligence de la mise en scène et une efficacité renouvelée des éternels mécanismes de l'angoisse et de la terreur. "Hérédité" de Ari Aster est presque un prototype de cette nouvelle approche du genre, qui n'a néanmoins, cela vaut la peine de le rappeler, engendré pour le moment aucune véritable réussite.
Cette fois, il faut avouer qu'on y croit très fort, jusqu'à ces maudites 30 dernières minutes effroyablement mauvaises qui gâchent irrémédiablement toute la brillante et angoissante construction qui a précédé : le scénario, écrit par Ari Aster lui-même, s'avère du plus haut ridicule en essayant de concilier une résolution logique (on se demande bien pourquoi...) avec une accumulation de scènes horrifiques sans doute censées récompenser les fans hardcore de l'horreur grand-public pour leur patience. En concluant son film sur des niaiseries "diaboliques" visiblement écrites pour terrifier les foules ultra-religieuses américaines, Aster jette par dessus bord tout ce qu'il a habilement édifié jusqu'alors : on se délectait d'assister à une parabole vicieuse sur les dysfonctionnements familiaux, à une dissection précise des mécanismes de culpabilité de ces mères qui haïssent leurs enfants jusqu'à souhaiter inconsciemment leur anéantissement, et on se retrouve devant une autre histoire de culte satanique sans queue ni tête.
Le réveil est sévère après le réel enchantement provoqué par la mise en scène inventive de traumas particulièrement violents (on n'oubliera pas de si tôt le fameux accident qui sert de pivot au film !), et par la suggestion très réussie d'une atmosphère vénéneuse. Rappelons donc à Ari Aster que Polanski - qui est clairement sa référence - n'avait nullement besoin de dévoiler le fameux bébé de Rosemary pour que l'horreur soit absolue à la fin de son film, et que montrer des apôtres décapités vénèrant cul nu leur vilain dieu ne peut passer pour de l'audace que dans la Bible Belt.
Il ne nous reste plus qu'à recommander à quiconque voudrait quand même tenter l'expérience de "Hérédité" de bien veiller à quitter la salle 30 minutes avant l'heure programmée de la fin de la séance. Il aura alors pu jouir d'un très joli film, porté par de bons acteurs (Collette et Byrne ne se rendent ridicules qu'ensuite) et illuminé par de véritables petites trouvailles visuelles (ces sauts temporels autour de personnages ou de paysages fixes, mais aussi ce jeu entre réalité et maquettes), et il nous en remerciera.
[Critique écrite en 2018]
Créée
le 24 juin 2018
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