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A l'image des deux superbes plans qui ouvrent et clôturent le film, Hérédité joue avec différents niveaux de réalité.
Au début nous sommes en terrain rassurant : une belle maison, une petite famille, un mari posé... et puis insidieusement vont arriver, par vagues successives, un certain nombre d'évènements cauchemardesques dont on ne saura jamais s'ils procèdent de la folie des personnages ou d'une cause purement surnaturelle.
C'est une des caractéristiques principales du film d'Ari Aster : impossible de cerner précisément la nature des forces maléfiques qui frappent les personnages. Ce choix a l'avantage de ne fermer aucune porte et par conséquent de laisser le spectateur dans une situation d'incertitude et donc d'inquiétude (d'où va venir la prochaine menace, qui doit-on craindre ?...etc) mais dans un autre sens, ce manque d'explicitation quant à l'origine du mal m'a semblé à la longue plus préjudiciable que bénéfique. D'autant que cette opacité se double d'une construction narrative dont on perçoit qu'elle ne suit pas forcément la chronologie des faits ainsi que quelques indices le laissent deviner (comme le pansement à l'avant bras de la mère qui est présent ou pas selon les scènes).
Côté frissons c'est plutôt réussi même si ce n'est pas le chef d’œuvre d'épouvante annoncé ici ou là. Le film fait tranquillement monter la mayonnaise de la peur en plaçant au cœur de ce délitement de la réalité les quatre membres d'une famille.
Et en premier lieu, le personnage de la mère. Elle souffle le froid et le chaud (au propre comme au figuré) au fur et à mesure qu'elle semble perdre la tête (au figuré comme au propre). Mère poule ou mère castratrice, maquettiste patiente ou femme sous influence selon le visage qu'elle présente, son comportement au fil des scènes trahit de profondes failles psychologiques : possessivité, complexe vis-à-vis de sa propre mère, crises d'hystérie et somnambulisme...dont l'accumulation accrédite un temps l'idée qu'elle puisse être la cause principale de tous les malheurs qui accablent sa famille. Les miniatures qu'elle construit si habilement soulignant l'idée que les personnages puissent être entre ses mains comme les jouets d'une maison de poupée.
De l'autre côté du spectre émotionnel, son mari. Le calme incarné ! Plus zen, tu meurs. Sa sérénité à toute épreuve force l'admiration mais presque trop... Ce personnage m'a semblé être le point faible du film tant il donne l'impression de servir de caution de sureté dans une famille où tout le monde part en vrille.
A commencer par le fils, Peter. Étudiant lambda écartelé entre l'accaparement asphyxiant de sa mère et son désir d'émancipation, son état psychologique se dégrade au fur et à mesure que des cauchemars compulsifs le transforment en véritable zombi. Sans doute le personnage auquel on a le plus envie de s'identifier. Et comme il prend cher, on compatit et on tremble avec lui.
Et enfin, il y a le personnage singulier de Charlie, la petite sœur.
Cette fillette au visage étrange, dont on ne sait jamais trop s'il faut s'attendrir de sa fragilité ou s'inquiéter de ses manies bizarres
("Glok")
Sa disparition, limite absurde, laisse le film dans une sorte de deuil jamais comblé. D'autant que l'on s'imagine longtemps que ce personnage devenu fantôme jouera un rôle ultérieur ce qui sera effectivement le cas mais uniquement à la marge. On passe le reste du film à se demander quand et où Charlie va revenir alors qu'en réalité le scénario s'emploie à dénouer une ultime intrigue...
C'est donc du point de vue du scénario que le film finit par tourner en rond, les scènes se succédant avec un sens de l'horrifique assez réussi mais sans que l'on ne perçoive une réelle progression dans toute cette histoire. Dommage car la mise en scène, d'inspiration kubricko-polanskienne, est quant à elle tout à fait remarquable.
Un réalisateur à suivre.
Personnages/Interprétation : 7/10
Scénario/histoire : 6/10
Mise en scène/réalisation : 8/10
7/10
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Créée
le 13 juin 2018
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