Le clown seul
Je craignais une grosse daube au vu des notes et finalement c'est plutôt bien passé. Ce qui me surprend vraiment c'est la date, je m'attendais pas à ce que Youn ait fait ce film si récemment. En même...
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le 3 déc. 2016
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Merci à Victor Bonnefoy (plus connu sous le nom d'InThePanda) de m’avoir donné envie de voir ce film parce que franchement, ça valait le coup. Et je suis le premier à reconnaître qu’un film dramatique, qui en plus est un premier film, avec Michaël Youn dans le rôle principal, j'aurais plutôt eu tendance à y aller à reculons… Mais putain que c’était bien…
Alors, le film suit l’histoire de Pierre Forêt, dit « Pi » (interprété par Michaël Youn), un chauffeur de salle connu pour être le guignol de service, un mec sans ambition ne servant à rien d’autre qu’à être drôle. Et l’histoire s’articule autour de la prise d’otage d’une star fictive de la chanson française du nom de Clovis Costa (interprété par Patrick Chesnais), par ledit guignol de service qui, lassé qu’on ne le prenne jamais au sérieux, se décide à faire comprendre au monde entier qu’il peut prétendre à autre chose. Et dès le début, niveau mise en scène, c’est riche. C’est riche, certes parfois un peu grossier, mais y’a quand même pas mal d’idée. Le réalisateur, un illustre inconnu, joue en permanence sur des choix cadrages assez atypiques qui, s’ils peuvent déstabiliser au premier abord, relèvent d’une inventivité qui retiendra notre attention du début à la fin, ce qui est d’autant plus notable que le film est un huis clos, genre qui se restreint trop souvent à du théâtre filmé. Un des changements les plus importants consiste par exemple à passer du 4/3 au 16/9 au beau milieu du film, au moment où Pi… demande directement au réalisateur s’il veut qu’on lui offre quelque chose… Et celui-ci répond qu’il veut une nouvelle caméra… Ouais, c’est un peu perché par moments…
Le film a tout du premier film d’un mec qui a vraiment envie de bien faire, et c’est d’ailleurs ce qui le rend touchant. L’image est dégueulasse alors que les cadres sont véritablement choisis et travaillés, la réalisation, bien qu’un peu anarchique par moment, tente pas mal de trucs, et le début du film nous plonge dans un côté relativement humoristique. On se croirait presque dans une comédie. Mais pas le genre de comédie bas-de-gamme dont nous a habitué Michaël Youn. On a ici affaire à de la comédie essentiellement dramatique, un peu noire, et même absurde parfois. L’univers du film nous emporte rapidement dans un délire dont on restera prisonnier jusqu’à la dernière minute. Beaucoup d’éléments ne nous sont pas donnés, si bien qu’on peut mettre un certain temps avant de piger réellement ce qui se passe, mais loin d’être chiant, ça nous aide au contraire à nous plonger dans le même état d’esprit que celui du personnage principal, qui est quand même un peu taré sur les bords et complètement à bout de nerfs. Et au bout d’à peine un quart d’heure, BAM ! Premier choc. Un mec sort de nulle part, tabasse Pi et le jette par la fenêtre avant qu’on ait droit à un plan de quelques secondes sur un banc de poissons accompagné d’un début de morceau de musique qui m’a l’air assez chouette et que j’aimerais bien retrouver. Cette brutalité soudaine revient une deuxième fois dans le film, et me donne l’impression qu’elle est là pour retranscrire un peu ce qui se passe dans l’esprit fucked-up de Pi, ainsi que pour le ramener de façon violente et cruelle à une réalité qui semble parfois lui échapper. Voilà, ça c’est mon interprétation du truc, je ne suis sûr de rien…
Malgré quelques longueurs (en particulier une scène au début du film, avec une boucle musicale répétée jusqu’à l’écoeurement), le film garde une ambiance sombre et claustrophobique, des scènes de tension, et un malaise quasi-permanent, même s’il plane parfois un côté humoristique à travers quelques situations absurdes. Et même si ça a un peu l’air de se barrer dans tous les sens et si les effets de style font un peu fourre-tout, tout colle. Tout fait sens, et chaque élément a son importance pour contribuer à l’atmosphère du film. Même le côté décousu de l’histoire nous imprègne encore un peu plus de l’état d’esprit de Pi, et l’inventivité de la réalisation et le refus de correspondre aux codes en vigueur dans le cinéma français « classique » me font avoir énormément de respect pour ce film. Et encore, y’a tellement de trucs dont j’ai pas parlé, comme le fait que Pi se fasse passer pour son père au téléphone avant qu’on voit quel genre de relation cheloue il entretient avec lui, ce qui renforce son personnage en parlant plus ou moins implicitement de son besoin de reconnaissance, le fait que le film ait l’air de se passer autant dans la vie du personnage que dans sa tête (on a même droit à une séquence souvenirs mi-flashback mi… je sais pas trop, mi-rêve, peut-être), son histoire d’amour qui continue de durer à sens unique depuis toujours, bref y’a tellement de trucs à dire sur ce film que j’arriverais pas à tout caser.
Et surtout, la grosse surprise: Michaël Youn, putain. Michaël Youn qui a décidé qu’il en avait marre de faire le clown et qui veut passer à autre chose. Et c’est réussi, il campe son rôle à merveille, s’affirme de plus en plus sur la durée, et réussit à être touchant. Et sa performance est simple à comprendre: Michaël Youn, ici, aborde un sujet qui lui tient à coeur et joue pratiquement son propre rôle. Son « vrai » lui, celui qu’il ne montre ni à la télévision ni, d’ordinaire, au cinéma. Et le sujet qui lui tient à coeur, et qui est le centre du film, c’est la réflexion sur l’humour et sur l'incapacité des « comiques » à être pris au sérieux. Comme le dit le personnage de Pi: « Les drôles ne sont pas crédibles ». Héros raconte la revanche du rigolo sur le monde, sur la société qui voudrait lui imposer de rester un guignol jusqu’à la fin de sa vie. Non seulement le thème est intéressant et, de mémoire, assez peu traité au cinéma, et en plus le tout est soutenu par quelques têtes d’affiche assez inattendues pour un premier film (Patrick Chesnais, Élodie Bouchez, Jackie Berroyer). Et le tout se finit sur un générique… Non, je dis rien. Je vous laisse découvrir à quoi ressemble le générique.
Bref, Héros est un véritable OVNI bourré d’inventivité, et que vous aimiez ou pas Michaël Youn, je pense qu’il faut voir ce film au moins une fois. Je dirais même qu’il faut voir ce film au moins une fois, surtout si vous n’aimez pas Michaël Youn. Et je vous le recommande encore plus si vous aimez Cyrano de Bergerac… Vous verrez bien…
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Créée
le 21 sept. 2015
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