Histoire de la peur de l’argentin Benjamin Naishtat laisse songeur (ou dubitatif, si on est moins positif).
A Buenos Aires, se juxtaposent les histoires de Pola, un jardinier pris entre deux femmes, Tati, sa petit amie fille au pair, Teresa, la mère de Pola, bonne pour une famille de riche, famille elle-même composée de Camilo, un apprenti cinéaste un brin pervers et de sa mère Edith. Enfin il y a aussi un couple de « bourgeois » avec leur fils, qui se révèlent être les employeurs de Pola.
Tout au long du film, ce beau monde vit avec ses problèmes quotidiens : la maladie, le couple, les conflits politiques, l’éducation des enfants…mais au-delà de ce point commun, tous semblent vivre implicitement une angoisse qui ne veut pas dire son nom, symbolisé le plus clairement par l'agression anonymes de déchets que des personnes brûlent juste en face de la propriété du couple « bourgeois ».
La trame et son installation rappellent le cinéma indépendant américain des années 90, dans cette façon de mettre en parallèle le quotidien terre-à-terre de personnes hétérogènes, où la finalité dramatique indéterminée crée une tension qui ne demande qu’à exploser (Exotica d’Atom Egoyan, Magnolia de Paul Anderson ou encore –le génial- Happiness de Todd Solondz par exemple).
Ici, le réalisateur se sert avec une grande finesse de la bande son pour insuffler du sens à ses images et leur conférer une dimension angoissante. Cela peut-être le son d’une alarme défaillante, le soufflement d’un aspirateur qu’on ne peut pas éteindre, le speaker d'un hélicopter ou encore l’explosion d’un feu d’artifice qui brise un silence morbide…
L’image n’est pas en reste, avec de jolis cadres. L’ensemble est par contre très statique (ce qui laisse contempler pendant presque une minute un superbe reflet de l’équipe du film, ça tue un peu le truc à ce moment - erreur de jeunesse sans doute, vu que c'est le premier film du réal).
On dirait bien que le cinéaste recherche avant tout à créer des impressions plus qu’un véritable discours. Certaines choses paraissent donc plutôt absconses, comme cette intro dans un fast food avec un illuminé qui décide peut-être de laver le sol à sa façon, ou plus bizarre encore, les apartés en forme d’interview/casting de Camillo, déconnectés de l’action. Cela peut donner le sentiment un peu frustrant que l’histoire n’a toujours pas commencer alors que pointe le générique de fin (le film est assez court en même temps, 1h20 environ).
On décèle néanmoins à travers tout cela une critique sociale (comme souvent dans les "films-choral" - lorsque ce ne sont pas des comédies romantiques) qui touche juste dans sa façon d'allier la forme au fond. En effet pour exprimer l'ambiguïté des rapports sociaux, les éléments du film paraissent eux-même suspects, développés sur un rythme qui s'impose par lui-même, de façon à faire sentir une tension sous-jacente.
Il ressort de ces scénettes une impression finalement mitigée car le mystère ne trouve pas d’accomplissement concret. On se demande si on a bien fait d'y croire, à cette peur. Mais peut-être est-ce le but du film. En fait on dirait le genre de film qu’on regarde, qu’on oublie sur le coup, et puis pas mal de temps plus tard, sur la durée, une petite scène, le rictus d’un personnage, l'image d'une personne effrayée derrière son pare-brise, toutes ces petites choses, pourraient rester accrochées quelque part dans notre tête et peut-être ne jamais vraiment partir.