Aux limites de la voix off

Exercice de style par définition, "Historias extraordinarias" ne cache absolument pas son jeu qu'il fera courir sur 4 heures : devant nos yeux, un terreau très expérimental qui entend raconter trois histoires en parallèle, le long de 18 chapitres, presque exclusivement en voix off en s'appuyant sur trois narrateurs différents. Les protagonistes s'appellent X, Z et H, ils n'ont rien en commun, si ce n'est l'apparente banalité dans laquelle baigne le début de leurs récits respectifs.

Le nouveau cinéma argentin, j’ai du mal : Lisandro Alonso avec son "Jauja", "Les Nouveaux Sauvages" de Damián Szifron. Un peu comme le Cinema Novo brésilien des années 50-60 en réalité, dans un contexte très différent.

Le seul point commun que l'on peut détourer de manière très vague : il y a à la base le même concept, ce qui crée un cadre unificateur (ou du moins les prémices), un homme qui se voit confié une tâche spécifique, un peu bateau, avant de voir cette dernière évoluer vers des horizons imprévus, cultivant un certain mystère et amenant un certain questionnement sur le fondement de cette mission.

Le concept est en soit très rebutant à mon goût, n'étant que très rarement friand du principe de la voix off au cinéma. Ici c'est donc une grande épreuve puisqu'il n'y a presque que ça pendant 4 heures. Le choix du format numérique de mauvaise qualité est aussi un peu désagréable à l'œil, même si on sent bien qu'il y a derrière cette prédisposition d'auteur une volonté consciente de porter le regard ailleurs, sur la narration.

C'est manifestement l'union de ces trois histoires qui confère au tout un certain intérêt — prises indépendamment, il n'y aurait pas beaucoup de sens. Peu à peu se construit un labyrinthe narratif dans lequel on se perd, avec des meurtres, des monolithes au bord de canaux, des jeux de piste... Mais à titre personnel j'ai eu beaucoup de mal à me passionner pour chacun des trois récits entre lesquels on jongle sans arrêt — alternance qui constitue l'intérêt principal. Il y a comme un souffle littéraire dans cette voix off, qui donne l'impression d'occuper le même rôle que la narration dans un livre écrit à la troisième personne.

Il y a en revanche un goût de faux polar un peu cheap, presque prenant dans ses mystères, auquel j'aurais bien aimé adhérer davantage, mais cette étrangeté n'a pas été aussi fascinante qu'escompté. Pas sûr que cela me donne envie de me lancer dans les 13 heures de "La Flor"... Au final c'est un peu comme en filiation avec l'héritage des serials comme "Les Vampires" de Feuillade, en un sens...