Mr and Mrs Hitchcock font un film

Après avoir vu ce film, je suis troublé par la sélection des Oscars 2013. Comment se fait-il que ce film n'en fasse pas parti ? Je veux dire : 01 C'est un film taillé pour les Oscars 02 L'interprétation d'Anthony Hopkins mériterait une certaine reconnaissance du milieu 03 Helen Mirren n'est pas trop mal 04 Le montage, la technique, le visuel et les décors du film le rendent très attrayant et très spécial. Je peine à comprendre comment Hitchcock ne s'immisce pas dans certaines catégories (une seule nomination pour le maquillage).

Sincèrement, il se retrouve aussi boudé par l'Académie que ne l'a été son sujet principal. Jamais une récompense de la part des Oscars dans sa vie. Ce syndrome qui touchera aussi Kubrick et qui me fait dire que les plus grands réalisateurs de l'histoire du Cinéma (pas tous heureusement) restent des artistes incompris de leurs compères à leur époque. Mais bref passons ces injustices.

Sacha Gervasi, reconnu internationalement pour son travail sur le documentaire d'Anvil, qui reçoit une commande de la Fox pour réaliser la biographie d'un monstre du cinéma contemporain; ça sent le biopic taillé pour les Oscars. Cette fois, l'Académie ne semble pas s'être laissé avoir (malheureusement ?). Le sujet n'est sans doute pas assez dramatique (comme en a l'habitude l'académie) pour mériter un florilège de récompenses.

Pourtant, Hitchcock démarre brillamment façon "Alfred Hitchcock présente" avec ce démarrage sur le terrain de Ed Gein, qui a fortement influencé Massacre à la Tronçonneuse, Le Silence des Agneaux et évidemment Psychose. Ce moment me laissait penser beaucoup plus d'originalité dans le film mais finalement on retrouve rapidement un schéma plus standard aussi bien au niveau narratif qu'au niveau technique et visuel.

Car dans ce film, Sacha s'éloigne un peu de son sujet "The Making-of Psychose" et emploie quelques effets narratifs fantaisistes (une dimension adultère, les troubles d'Hitchcock) et rajoute une relation surréaliste avec Ed Gein provenant directement de l'imagination de ce réalisateur passionné d'homicide. L'idée aurait pu sembler terrible et ajouter une plus-value indéniable à ce film si elle aurait été poussé plus loin et plus en raccord avec son sujet. De plus, on se remémore rapidement "Gainsbourg : Vie héroïque" de Joann Sfar, en moins bien. Je pense que le tournage de ce pari risqué aurait dû être prioritaire par rapport à ce triangle "d'opportunistes" amoureux ou non qui agissent par intérêt. Hitchcock pour rester le Génie reconnu du milieu, Alma sa femme pour sortir de l'ombre de son mari le génie et devenir reconnu pour autre chose qu'être la collaboratrice d'Hitch et enfin, plus anecdotiquement, Whit qui désire être reconnu et qui agit misérablement pour proposer son scénario à Hitch. C'est une des péripéties rajoutées pour le besoin du film qui sert peu l'intrigue et ça se sent. Ça prend de la place sur une heure trente et ça gâche le potentiel "chef d'oeuvresque" de ce Hitchcock.

Car ce film avait de la matière pour rentrer au panthéon des biopics réussis. On a une pléiade d'acteurs, aussi bien premiers que seconds rôles, irréprochables. Anthony Hopkins, malgré tout reconnaissable sous ce maquillage et ces ajouts de peaux, incroyable de crédibilité dans le rôle de ce réalisateur incompris du milieu. Son parler, sa gestuelle, ses mimiques, j'ai l'impression de voir l'Hitchcock qui faisait des caméos ou qui présentait son programme télévisé. J'ai dépassé le stade du maquillage à moitié-réussi pour finalement apprécier l'imposante prestance d'Anthony *Hitchcock* Hopkins. Helen Mirren dans le rôle de sa femme Alma n'est pas non plus à négliger. Elle a tout autant d'importance dans le travail de son mari, et se révèle être une sûreté et un apport absolument indispensable dans le travail d'Hitch, même si à l'inverse de ce que raconte le film, Alma n'a jamais assisté à un tournage de son mari. Elle a toujours agi de l'extérieur des plateaux de son mari. Helen Mirren incarne sublimement cette femme peu connue du grand public et discrète des médias. Les seconds-rôles sont très savoureux : De Michael Stuhlbard à Scarlett Johansson en passant par Jessica Biel et Tony Colette.

Au niveau de la photographie, le film retranscrit incroyablement bien tous ces plateaux de tournages et cette phase belle-époque qu'à connu le tout-Hollywood. J'ai l'impression de voir une carte-postale de la Cité des Anges mais ce n'est pas déplaisant. La musique ne se démarque pas vraiment mais reprend agréablement bien (avec une pointe de modernité) les célèbres morceaux attachés à Psychose. La scène de la douche est d'ailleurs excellente entre ce plan-séquence qui suit les canalisations jusqu'à l'arrivée de l'eau sur le corps de Janet Leigh (Scarlett) et l'énervement d'Hitch qui va jusqu'à lui-même s'improviser meurtrier et effrayer notre future-victime pour plus d'effets. C'était un artiste absolu et il voulait que sa vision personnelle soit à tout prix dans le film, pas de place pour l'improvisation. C'est dommage que l'on ne sente pas plus ces choix personnels et les difficultés de tournage du film. En effet, cette scène a pris sept jours de tournages et dans le film, elle est éclipsée rapidement au profit d'un dialogue, certes intéressant et majeur du film, mais en désaccord avec son sujet. Néanmoins, j'ai bien aimé les phases où l'on nous décrit les obstacles (faciles à éviter, semble-t-il) lorsque l'on tourne un film. C'est un film sur le cinéma et les problèmes auxquels il faut faire face pour réaliser et diffuser sa création au public. Que ce soit de manière économique ou pour des problèmes de censure, Hitch a du faire face à une armée de costards qui lui ont mis des bâtons dans les roues. Quarante plus tard, Psychose est l'un des films majeurs et de la filmographie "Hitchcockienne" et est le plus gros succès commercial d'Hitchcock dans le monde.

Finalement, c'est bien trop dommage qu'Hitchcock le film ne s'attarde pas assez sur le tournage chaotique et incertain de Psychose. De plus, la durée, étonnamment court, de ce biopic surprend et nous laisse sur l'impression d'avoir vu un film très intéressant mais finalement très vite oubliable. Pourtant, c'est dommage car avec sa galerie d'acteurs, sa réalisation, son montage et les thèmes abordés chers à Hitchcock, on tenait là un film qui aurait rendu pleinement l'hommage que méritait ce réalisateur, aussi imparfait que troublant mais pourtant génial "Master of Suspense".
Softon
7
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le 28 janv. 2013

Modifiée

le 28 janv. 2013

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Kévin List

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