Outch. Dire que ce film déçoit est un euphémisme. Le matériau est passionnant : la vie d'un des cinéastes les plus importants que la terre ait porté, même réduite à quelques années, aurait pu donner matière à une oeuvre fiévreuse, vertigineuse. Mais ici, problème d'emblée, le film choisit la période Psychose, qui s'il est un film culte n'en demeure pas moins loin derrière les grands films des années 50 et 60 (qui sont tous cités dans le film, aveu de faiblesse ?)
Alors il y a des bonnes choses : Scarlett Johansson tout d'abord, vraiment convaincante en Janet Leigh. Helen Mirren aussi, qui joue sans trop exagérer et qui parvient parfois à émouvoir. Citons aussi Toni Collette ou Jessica Biel qui a une scène très réussie. L'acteur jouant Perkins est dans un mimétisme troublant. Mais il y a Anthony Hopkins. Je ne peux dire "il est mauvais". Mais il est à l'image du film : grotesque, boursouflé, empâté, dans la mauvaise direction. On dirait une énorme baudruche qui parle et marmonne.
Bien également pour les parties ludiques du film, celles où l'on reconstitution la genèse du film, de l'écriture à la projection, en passant par le montage, le tournage, etc. Ces moments-là sont souvent réussis, truffés de clins d'oeil parfois savoureux à l'oeuvre et l'univers du cinéaste.
Mais le film est complètement plombé par son scénario qui se sent obliger d'intercaler deux éléments, beaucoup trop indigestes : la névrose / folie naissante de Hitch devant ce film, qui nous amène des séquences ridicules et improbables avec Ed Gein. Toutes ces scènes sont vraiment profondément navrantes. Le reste, ce sont les séquences matrimoniales sur le délitement du couple Alma / Hitch. Filmées comme un pseudo suspense hitchcockien le film s'enfle dans ces moments pour essayer de dynamiser le reste et fuir à tout prix les moments plus "documentaires" (mais tout de même très romancés) sur la conception du film. Bref, on s'ennuie.
Ajoutez à cela un certain nombre d'incohérences dans la reconstitution de la genèse de Psychose, qui ne passent pas auprès du spectateur avisé. Le tournage de la séquence de la douche est rigolo mais ne reflète pas du tout ce qui s'est passé, Bernard Hermann n'est que cité une seule fois, Saul Bass n'est jamais évoqué... Le film évacue ainsi toutes les pistes les plus cinéphiliques pour se concentrer sur des éléments soit périphériques mais servant une veine "psycho-analytique" éculée, soit centraux mais bien trop évidents et lisses.
PS : (17/02) La critique de Artlaim me donne envie de rajouter quelques mots. Non, Sacha Gervasi n'est pas un inconnu, c'est un homme de métier, remarqué pour son documentaire sur Anvil et pour son scénario du Terminal. Mais dans ce film on dirait qu'il se retrouve dans la situation exactement inverse de celle d'Hitchcock pour Psychose. On a le grand cinéaste qui veut mener à bout un projet personnel contre la volonté de son studio et qui impose son tournage, son style, son director's cut, mais le film qui nous montre ça est un pur objet hollywoodien formaté, une oeuvre de producteurs plus que de cinéaste, une commande exécutée par un tâcheron - pourtant talentueux. C’est triste.