Alfred Hitchcock, réalisateur reconnu et admiré, surnommé « le maître du suspense », est arrivé au sommet de sa carrière. A la recherche d’un nouveau projet risqué et différent, il s’intéresse à l’histoire d’un tueur en série. Mais tous, producteurs, censure, amis, tentent de le décourager. Habituée aux obsessions de son mari et à son goût immodéré pour les actrices blondes, Alma, sa fidèle collaboratrice et épouse, accepte de le soutenir au risque de tout perdre. Ensemble, ils mettent tout en œuvre pour achever le film le plus célèbre et le plus controversé du réalisateur : Psychose.
Alors que nous sommes en pleine mode des biopic, entre l'ennuyeux Lincoln et le futur Week-end Royal où Bill Murray prendra les traits de Franklin Roosevelt, Sacha Gervasi (qui n'avait qu'un film a son actif) prend part dans la course en s'attaquant à un monstre culturel : Alfred Hitchcock. Pari réussi ? Bilan mitigé.
Le film s'ouvre sur un excellent clin d'œil pour les fans, reprenant l'introduction (culte) d'Alfred Hitchcock Présente (malheureusement coupée dans son élan par un gros plan), permettant à la fois d'ouvrir le film sur l'univers d'Hitchcock, son humour, et lui permettant de faire une sorte d'apparition, rappelons qu'Alfred Hitchcock apparait dans tout ses films. Il fait d'ailleurs une "vraie" apparition dans le film, alors qu'Anthony Hopkins/Hitchcock regarde une photo de sa jeunesse (et donc une photo d'Alfred Hitchcock). Un caméo bien choisi car la photo date d'avant son régime, et donc aucun soucis de problème de ressemblance.
Anthony Hopkins pour incarner son personnage a de bons maquillages sur la partie basse de son visage, mais son crâne trop vieux et trop ridé lui donne une ressemblance douteuse avec le réalisateur. Mais l'acteur au-delà des ressemblance rattrape le tout avec un jeu adéquate, autant au niveau des intonations que des gestes. Il aurait plus mérité une nomination aux oscars que la nomination des Meilleurs maquillages et coiffures.
Le problème, si c'en est un, est qu'Anthony Hopkins laisse tout le monde en retrait : prenant d'assaut l'image le réalisateur et son cadreur se font éclipser, donnant une réalisation simple. Mais tout est rendu à l'image, et au fond c'est tout ce qui compte. Quand aux autres acteurs, ils sont plutôt bien à leur place. Helen Mirren, qui joue la femme d'Hitchcock, se débrouille plutôt bien dans son rôle, sans en faire trop elle incarne la parfaite femme inconnue derrière le monstre. Scarlett Johansson, dont on s'attendait à ce qu'elle joue la belle blonde cruche qu'elle aime tant dans The Avengers, parvient tout juste à sortir du stéréotype qu'elle représente (le premier plan où elle apparait la caméra est pointé sur... son postérieur) en jouant une femme plus confiante. Toni Collette dans son rôle de Peggy Robertson, l'assistante de Hitch, fait penser à 'Midge' Wood de Sueurs froides, tandis que James D'Arcy (incarnant n°1 des méchant de film préféré j'ai nommé Norman Bates) fait de courtes apparitions, rien de transcendant, mais il a sa place dans le film. Cependant, aucun acteur n'arrive à la cheville d'Anthony Hopkins.
On notera aussi les apparitions de Saul Bass, Julie Weiss ou encore Bernard Herrmann, petits pions dans l'échiquier hitchcockiens.
Il est dur d'écrire un biopic sur un personnage, et encore plus sur ce monstre du cinéma ayant réalisé une cinquantaine de films. Les fans verront des pièces manquantes, comme le premier plan de Psychose qui n'a pas pu être fait selon les souhaits du réalisateur et dont on ne parle pas malgré un plan semblable, l'apparition de sa fille dans son film passée sous silence ou encore la légende selon laquelle Alfred Hitchcock n'a jamais lu le livre dont Psychose a était inspiré. Le problème est que le film part d'un mauvais pied en se basant uniquement sur un film et non sur le personnage en entier.
Si le scénario construit une histoire avec un début et une fin, il se base plus sur la relation entre Hitchcock et sa femme, celle-ci souffrant des regards de son mari sur les actrices, à la recherche de sa "blonde hitchcockienne". Le scénario aurait pu être plus appuyé sur la relation entre les deux, mais surtout le film aurait pu nous montrer plus du tournage : Hitchcock est vendu comme l'expérience du tournage de Psychose, or ce tournage n'apparait que très peu dans le film, sur quelques points clés.
Cette histoire est entre-coupée par des visions d'Hitchcock où il voit Ed Gein, le tueur en série qui a inspiré le roman puis le film Psychose. Cette idée est à la fois intéressante, montrant l'obsession d'Hitchcock pour son film au point d'en devenir "fou", et inutile, ne servant à rien dans l'histoire si ce n'est faire ramasser trois grains de sable à Hitch.
Au final, le film retiendra plus notre attention sur les anecdote du tournage de 1959, comme la censure du Code Hays, voulant supprimer la nudité et la violence de la douche ainsi que les plans sur les toilettes, le corps de la mère de Norman Bates qu'Hitchcock s'amusait à mettre dans la loge de son actrice ou encore le fait qu'Alfred Hitchcock a faillit faire son James Bond, un Casino Royal avec Cary Grant, qu'il a refusé.
Hitchcock est donc un pari réussi malgré quelques détails qui pourront gêner les connaisseurs. Le plus gros problème reste le fait que le film n'englobe pas toute la vie du réalisateur, ce ne sera pas le biopic final d'Alfred Hitchcock car on s'imagine bien qu'il aura droit à une autre biopic, plus complet, un autre jour.
Pierrick Boully