---- Le cinéma Grindhouse ressuscité par Tarantino et Rodriguez aura fait des tonnes de sales rejetons difformes comme le prouve ce Hobo with a shotgun, premier film de Jason Eisener. Le jeune réalisateur a d'ailleurs pu financer et tourner son film grâce au concours de fausses bandes annonces grindnouse qui avait suivit la sortie du film regroupant Boulevard de la mort et Planète terreur. Mais derrière ses allures de gros délire gore et de pur film d'exploitation Hobo with a shotgun cache la vision hallucinante de noirceur d'un monde en perdition totale.


------ Hobo with a shotgun raconte l'histoire d'un clochard qui arrive dans un petit bled paumé dans lequel sévit une sorte de dandy malfrat qui ,avec l'aide de ses deux fils dégénérés, tient la ville sous sa coupe par la violence extrême avec laquelle il terrorise ses concitoyens. Un soir ce sans abris sauve une prostitué dont le destin semblait bien mal engagé et il comprends surtout que la ville est gangrenée par le mal jusque dans son commissariat. Lassé de voir la violence se répandre sur le trottoirs et sous ses yeux le clochard achète alors un fusil à pompe avec les quelques dollars qu'il a durement gagné et décide de nettoyer la ville de toute la merde qui s'y trouve...


-----Hobo with a shotgun est un gros délire bourré jusqu'à la gueule de violence, de mauvais goût, de politiquement incorrect, de répliques ordurières hilarantes (Je vais nettoyer le trou du cul qu'il me reste collé sur le visage) et de nombreux effets gore absolument monstrueux; un bon gros bordel déviant devant lequel tout amateur de bis devrait prendre un pied absolument monstrueux. Un vrai et pur film grindhouse, peut être plus encore que Machete, qui ne se contente pas ici de singer la forme du cinéma d'exploitation mais qui lui rend hommage à travers l'esprit d'un cinéma radicale et rentre dedans qui n'avait pas peur de tout les excès. On retrouve donc tout ce qui fait le charme incomparable d'un pur produit old school des seventies et eighties avec un casting de trognes filmés en gros plan, des méchants bien caricaturaux, du sexe, une méchante vendetta de justicier à la Bronson et surtout une profusion assez hallucinantes de séquences gore aussi jouissive que bien teigneuse. Le film se rapproche parfois dans ses délires les plus fous (motards customisés comme des robots, personnage utilisant l'os saillant de sa main arrachée comme une arme) des films japonais complètement barré jouant sur la profusion de grandes gerbes d'hémoglobine. Jason Eisener est plus que généreux et son film est un festival comme on en avait objectivement pas vu depuis longtemps. Du gore parfois outrancier comme ce corps éventré d'un coup de batte de Baseball recouverte de lames de rasoirs ou ce pauvre clochard explosé par le godet d'une pelle mécanique, souvent bien teigneux à l'image de ce flic totalement explosé à coups de tirs de fusil à pompe à bout portant et parfois douloureux comme cette terrible tentative de décapitation à la scie à bûches. Rien à dire Hobo with a shotgun explose largement le quota de ce que l'on est en droit d'attendre de ce type de film. Niveau références on pense aux western spaghettis, au Justicier dans la ville, à Django avec ces motards trimbalant un cercueil derrière eux, aux productions japonaise type Machine girl, à Braindead pour les sévices à coup de tondeuse à gazon, les post apocalyptiques ritals des années 80 et plus globalement à l'esprit libertaire de tous les films bien badass.


------- Pourtant, au delà des apparences d'un simple gros délire de bourrin régressif Hobo with a shotgun cache, non pas une vraie profondeur psychologique, mais la noirceur du regard que porte ce clochard sur le monde. La plupart des critiques que j'ai pu lire à droite et à gauche ne pointe du doigt que les aspect les plus fous et divertissant du film, pourtant j'aime à penser que Hobo with a shotgun n'est pas seulement un film rigolard mais aussi un film en colère. Si le film joue incontestablement sur un second degré constant en forçant le trait jusqu'à la caricature (le bus scolaire passé au lance flammes ) il réserve aussi des moments plus grave ou la violence se fait plus sèche et douloureuse comme lorsqu'une mère et sa fille sont brûlés vives dans une poubelle. Inutile de parler de film à thèse mais Hobo with a shotgun montre tout de même la révolte de celui qui n'a plus rien que l'expression d'une rage nourri par des années de mise au banc de la société alors que celle ci encourage paradoxalement la violence par une « politique » de l'insécurité visant à tenir les citoyens tranquilles (voir l'intervention télé des deux fils de Drake). Comme l'expression d'une rage viscérale, d'une colère monstrueuse qui ronge notre esprit, la vengeance de ce clochard n'est que la déflagration incontrôlable d'un trop plein de violence subit chaque jour. La forme et l'esprit grindhouse du film permette fort heureusement d'éloigner Hobo with a shotgun d'un réalisme et d'un premier degré qui aurait pu faire basculer le film vers la célébration réac d'un nettoyage des rues au karcher. Dans sa forme allégorique de divertissement pour adultes, dans le cadre délirant d'un pur produit labellisé grindhouse j'avoue avoir pris un pied d'enfer à voir des pédophiles se faire exploser la gueule, des flics pourris et violeurs se faire défoncer à coup de fusil, des macs violent se faire refroidir et des putes prôner comme à la tribune la révolte de ceux qui n'ont plus rien et le respect du foyer ceux qui vivent dans la rue. Jason Eisener pointe également du doigt l'exploitation absolument dégueulasse des sans abris par des imbéciles qui se font du fric et de la publicité en filmant des combats de clodos et autres humiliations contre quelques dollars. Ce type de vidéos immondes existent malheureusement montrant à quel point les exclus de nos sociétés sont devenus des figures dont l'humanité semble n'avoir plus de visage ou d'histoire, une preuve supplémentaire que Hobo with a shotgun n'est un film totalement gratuit.


------ Et puis comment ne pas évoquer l'homme derrière le fusil à savoir l'immense Rutger Hauer, acteur culte (et pour une fois ce n'est pas totalement galvaudé) de Blade Runner, Hitcher, Flesh and Blood, Ladyhawke qui comme pas mal d'acteurs de cette génération avait un peu sombrer dans l'oubli de sombres DTV tourné en Europe de l'est avant de revenir dans des seconds marquant rôles de grosses productions comme Batman begins ou Sin city. C'est un immense plaisir de retrouver Rutger Hauer d'autant plus que l'acteur livre ici une performance sérieusement au dessus des figures caricaturales des derniers films grindhouse comme Danny Trejo dans Machete. Figure charismatique, présence monstrueuse et rage qui traverse l'écran, le comédien donne aussi à son personnage une mélancolie et une profondeur parfois très émouvante. Impossible d'oublier par exemple la tendresse dont fait preuve l'acteur pour exprimer ses rapports avec la jeune pute dont il est devenu le protecteur, la petite scène durant laquelle il offre les yeux embués quelques fleurs à moitié fanées à la jeune fille sur son lit d'hôpital est vraiment un très joli moment d'émotion. Impossible également d'oublier le long monologue amer fait à des nouveaux nés dans des couveuses auxquels le clochard prédit un avenir de merde, les tirades allégoriques sur les ours ou encore le moment ou assis le regard dans le vide on le sent totalement désemparé par la répression envers les clochards qu'il a involontairement déclenché. Un vrai personnage avec de l'émotion, de la puissance et une épaisseur qui le démarque de la simple figure de justicier bourrin. L'acteur trimballe durant tout le film la mélancolie d'une figure de western assistant à l'effondrement d'un monde et de ses valeurs. A ses coté la jeune Molly Dunsworth est tout aussi convaincante dans son rôle de jeune prostituée redécouvrant la dignité au coté de cette improbable père de substitution qui aime voir en elle une enseignante. Si les autres personnages sont des figures de cartoons pour adultes, en revanche ce Hobo et cette pute ont vraiment ce petit supplément d'âme qui en font des êtres terriblement attachants et crédibles.


------- Hobo with a Shotgun n'est pas qu'un délire régressif et gorasse de sales gosses , c'est aussi un film profondément mélancolique et viscéralement en colère qui nous crache à la gueule toute la violence d'un monde rongé par la violence .

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le 4 nov. 2017

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Freddy K

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