La partie délaissée des Etats-Unis

Holler est le premier long métrage de Nicole Riegel. En 2016 elle avait déjà réalisé un court-métrage du même nom. En 2014 La réalisatrice est considérée comme l’une des 20 réalisatrices à suivre dans le cinéma indépendant par le magazine Filmaker. Avant d’étudier le cinéma et de travailler dans la réalisation elle s’est engagée dans l’armée. Holler aborde de manière brutale, avec parfois des allures de documentaire, un coin délaissé des Etats-Unis à travers le vécu de Nicole Riegel.

Ruth, une adolescente sur le point de finir le lycée, vit dans une ville dans le sud l’Ohio où l’industrie se meurt et où il y a peu de perspectives d’avenir. Sa mère étant en prison le temps qu’elle accepte d’aller en cure de désintox elle vit seul avec son grand frère, Blaze. La petite famille manque d’argent à tel point qu’on leur coupe l’eau courante. Ils peuvent compter sur l’amie de la famille, Rhonda, qui elle aussi se donne déjà beaucoup dans l’usine de la région qui ne va pas tarder à fermer. Le futur est incertain dans cette partie délaissée des Etats-Unis et pour survivre Ruth doit voler de la ferraille, une pratique illégale, dangereuse mais dont elle n’a pas le choix. Il s’agit d’une des seules solutions viables puisque toutes les usines de la région ferment et que le travail manque cruellement. Une situation en contradiction avec les paroles de Trump qu’on entend à la télé promettant du travail ‘job, job, job’.

Ruth a le choix, elle peut rester en tentant d’aider financièrement sa famille ou partir en allant à l'université. Son frère est pour la deuxième option puisqu’il postule pour elle à l’université alors que Ruth s’était résignée à rester. L’adolescente a les capacités pour continuer à étudier mais pas l’argent. Bientôt le vol de ferrailles ne suffit plus. Ruth et son frère rejoignent un groupe dangereux de ferrailleur à plus grande échelle.

Holler c’est l’histoire de Ruth qui doit grandir vite et faire face à la dureté de la vie. Nicole Riegel est honnête et ne tombe pas dans le mélodramatique. On se rend compte, grâce aux détails, le vécu de la réalisatrice et la peur du chômage. Le décors des usines vides et les immenses tas de ferrailles représente bien la détresse économique de la région. Quelques scènes filmées sont peut-être trop sombres (on ne parvient pas à distinguer quelques éléments) mais cela n’empêche pas les scènes de nuit d’être bien réalisées. La prestation de Jessica Barden en Ruth est forte et touchante. On ressent d’ailleurs peut-être plus les émotions de la jeune fille à travers les scènes silencieuses ponctuées de musique que lors des dialogues. Nicole Riegel tourne dans sa ville natale, Jackson, dans l’état de l’Ohio. Certains acteurs comme les ferrailleurs et les employés d’usines sont de véritables travailleurs de la région. Le film sonne donc encore plus juste.
Ce film permet de mettre un visage sur cette population sans travail et délaissée aux Etats-Unis et de se rendre compte d’à quel point atteindre l’enseignement supérieur pour certaines jeunes femmes peut être dur.