J'ai un problème, j'en ai même plusieurs.
D'abord, comment peut-on faire un film ennuyeux sur Lucille Ball!?!
Pourquoi choisir une semaine spécifique dans la vie bien remplie de cette artiste et son mari et s'acharner à l'entrecouper de flashbacks inutiles? En effet, ils n'apportent pratiquement rien à la compréhension de la situation.
Pourquoi maquiller outrancièrement Nicole Kidman au point de la rendre parfois laide pour qu'elle ressemble le plus possible à Lucille et prendre Javier Bardem qui n'a qu'une vague, très vague, ressemblance avec Desi? C'est une goutte d'eau dans la mer mais cela m'a dérangée.
Ce sont néanmoins 2 excellents acteurs qui font ici un bon boulot. Malheureusement, on a du mal à s'impliquer.
Tout le casting est d'ailleurs très bon et la production et la reconstitution de qualité.
Cela manque aussi d'un peu d'introduction. On plonge la tête la première dans des évènements que l'auteur considère être connu du spectateur. Comme "Les Hommes du Président", si on ne sait rien du Watergate, on est pommé.
Et j'ai été un peu perdue, je l'avoue, dans ce film également.
Lucille Ball et Desi Arnaz ne sont pas des super-stars chez nous mais ils font partie de l'inconscient collectif américain. Je ne suis pas sûre que le film remporte un grand succès en dehors des US d'ailleurs.
Néanmoins, je sais que Lucille Ball a failli tout perdre quand elle a été accusée d'être une communiste et je sais que Desi l'a trompée comme au coin d'un bois, je sais également qu'ils ont défié les conventions en utilisant la grossesse de Lucille à l'écran, une première à la télévision américaine si conservatrice.
Et on voit tout ça, mais les 3 en même temps diluent le propos.
L'accusation de communisme est grave, très grave. A l'époque du MacCartisme, c'était un crime capital. D'autres, tout aussi célèbres, s'y sont cassés les dents et ont tout perdu. Lucille Ball est passée à travers par miracle mais, si c'est l'un des climax du film, c'est une scène très décevante car, au bout du compte, on en a très peu parlé dans le reste du film.
La grossesse inattendue qui va révolutionner le show et la télé, c'est un gros truc! et ce n'est pas arrivé concomitamment avec la chasse aux sorcières mais Sorkin est coutumier du fait : il condense et remodèle. (voir plus bas)
Ce n'était pas une mince affaire que de montrer une femme enceinte à la télé, de parler de la grossesse, de montrer des nausées et un accouchement (presque). Mais là aussi, 3 conversations, un télégramme (hilarant certes) et puis s'en va.
La troisième intrigue, c'est que Desi trompe peut être Lucille. Un coup oui, un coup non, la même conversation se déroule à plusieurs reprises et dans un climax qui n'en est pas un, Lucille a trouvé un mouchoir tâché!
Quel ennui! Quel ennui que tout cela. Chacune de ces intrigues individuelles aurait pu donner une histoire intéressante. Ou même, l'un des flashbacks, quand les producteurs refusent d'engager Desi par exemple. Contrairement à ce qui est montré dans le film, il n'ont pas cédé immédiatement mais Lucille et Desi sont partis en tournée ensemble, mêlant musique et comédie, pour prouver qu'ils auraient une audience et ils l'avaient!
Il y a tant d'autres opportunités ratées et des conversations inintéressantes qui prennent leur temps dans ce film.
Pour finir, c'est tout pas vrai et tout faux! Avant de le regarder, je me suis intéressée au sujet et j'ai regardé plusieurs documentaires. Et Sorkin fait encore de siennes sur la chronologie des faits, pour des effets dramatiques qui n'apportent rien. Il crée une tension factice en réunissant 3 situations qui n'ont pas eu lieu en même temps et n'influent pas les unes sur les autres en plus. Le fait que Lucille puisse être communiste n'a rien avoir avec sa grossesse et vice versa.
Je me suis permis quelques petites recherches. L'épisode s01e22 dont on nous montre le tournage date de janvier 1952 (tourné un peu avant donc), l'annonce de la grossesse est faite en octobre 1952, Lucille et Lucy accouchent toutes les 2 en janvier 1953. Pour finir, le passage devant la commission et les articles de presse se situent en septembre 1953.
C'est n'est pas vraiment un semaine d'enfer mais une année !
Je pinaille mais les ingrédients se mélangent tellement mal que je n'ai pas de pitié.
Tout ça pour s'attarder sur le régime de Vivian Vance, qui était certes notoirement insatisfaite de son partenaire et de son rôle, sur les auteurs qui finalement n'écrivent pas et pour rendre, il faut bien le dire, Lucille Ball assez antipathique.
Il y a quelques scènes sur son processus de création, comment elle voit ses sketchs, les réactions, les actions, c'est super et c'est inventif et c'est intéressant mais il fait retourner boire au coup au bar et plier des chaussettes!
Sorkin ne prend pas le bon bout de son sujet, il insère au forceps quelques thèmes modernes qui n'ont pas besoin d'être insérés au forceps parce que Lucille Ball et Desi Arnaz sont des pionniers dans bien des domaines, mettant la diversité sur le devant de la télé quand c'était inconcevable. Sorkin invente des scènes alors que la réalité est bien plus drôle parfois comme par exemple le discours de Desi Arnaz au public le soir de l'enregistrement. Pas de coup de fil de Hoover bien sûr, mais une phrase qui fait mouche en conclusion d'un démenti bien senti : “Now, I want you to meet my favorite wife, my favorite redhead — in fact, that’s the only thing red about her, and even that’s not legitimate — Lucille Ball”. Cette phrase est hilarante et pleine d'esprit et vrai!
Ball et Arnaz n'ont pas besoin qu'on rende leur vie fantastique de manière factice, leur vie est extraordinaire.
Ce film ne leur fait pas honneur malgré un casting impeccable et une belle production.