Heureusement qu'on a eu (s'est coltiné) une année d'étude des séries américaines feuilletonnantes, et qu'entre le Dick Van Dyke Show et Les Envahisseurs, on a vu passer I Love Lucy, car autrement Being the Ricardos ne nous aurait pas parlé. L'héritage de cette série aux États-Unis est assez imposant, et le film biopic de sa vedette Lucille Ball n'était qu'une question de temps dans l'actualité qui affectionne les portraits de célébrités passées, ainsi que les sujets d'égalitarisme (I Love Lucy étant une série en avance avec son héroïne indépendante de son mari). Aussi, si vous partez sans aucun bagage de connaissance (comme la grande majorité des français qui n'a jamais eu accès à la série), sachez seulement qu'il s'agit d'un feuilleton comique hebdomadaire qui a pris place dans la période de remise en question des personnages féminins dans les scénarii des "sitcom", où jusque-là elles n'étaient que la femme au foyer bien heureuse d'accueillir Monsieur le soir et d'être tournées en bourrique. On le voit apparaître dans d'autres séries concurrentes, les femmes commencent à dire "zut", et le public de l'époque (en majorité des femmes au foyer, justement) suivent le mouvement : une héroïne qui gifle son mari quand il dépasse les bornes, lui répond, cela peut paraître acquis aujourd'hui, mais à l'époque c'était un scandale (chez ces messieurs, évidemment). Dans I Love Lucy, cela se traduit par le refus de l'actrice de jouer certaines scènes qui tournent en ridicule extrême (rendent potiche) sa Lucy indépendante. Nous suivons donc un de ces fameux coups de gueule de l'actrice, qui se mélange avec son mariage cahoteux avec son partenaire d'écran, son alcoolisme qui la ravage, les producteurs et la presse qui l'assaillent... Bienvenue dans le monde enchanté de I Love Lucy, mais pas Lucille ("Sois belle et tais-toi", pour ses producteurs). Mais, si l'on est d'une part conquis par l'idée du biopic qui nous en apprend sur le sujet (en oubliant quand même pas mal de contextualisation, certainement dans le but de faire croire que cette série était la seule dans ce cas...), on a détesté la forme soporifique qu'il prend. Nicole Kidman commence à être si retouchée qu'on a bien failli ne pas la reconnaître à l'écran, Javier Bardem de son côté faisant de son mieux pour nous sauver de l'ennui, ce qui est vain puisque le rythme est loin de suivre et que les interviews entrecoupent le récit de façon rapidement écœurante. Les deux heures de film nous ont parues interminables, et les mentions en postface nous donnent l'impression qu'on est passé à côté du sujet : on ne nous parle que de son divorce, ce qui est une information, mais il aurait été plus intéressant de toucher un mot (même court) sur l'héritage de la série plutôt copieux, dont sa suite L'Extravagante Lucy qui a construit son personnage sans son époux, une petite révolution à l'époque... Mais non, les gossips sur le divorce, c'est plus important. On aurait pu faire un beau biopic, si les scénaristes n'avaient pas lu que Closer.