Un Wes Anderson qui reste égal à l'inventivité folle, au casting hallucinatoire et à l'esthétique (comme toujours) brillante de son auteur, mais qui, on l'avoue, restera certainement mineur dans sa filmographie. On ne regrette pas d'avoir fait trois heures d'attente devant le Grand Palais (une bouteille d'eau et des gens bavards aussi : ça passe tout seul), car The French Dispatch avait fait sensation la veille en amenant en bus doré la majorité du casting sur le tapis rouge (une Apocalypse sans nom côté photographes, avec votre serviteur au milieu demandant timidement un autographe, on vous laisse imaginer). C'est donc avec la même impatience (et des bleus) qu'on a découvert cet Anderson tourné à Angoulême, dans la ville fictive d'Ennui-sur-Blasé, qui emprunte beaucoup à l'esthétique du journalisme et des BD. Pour un Anderson, on a été un peu déçu, pour un film lambda, on a été tout à fait convaincu par la grande qualité de l’œuvre. Premièrement, on a été un peu désarçonné par le casting qui ressemble plus à une boulimie de noms qu'à un réel intérêt : si les autres œuvres de la filmo "andersonienne" peuvent se targuer d'avoir un brillant casting, elles utilisent leurs vedettes à bon escient (on se rappelle de tout le monde, on sent bien que chacun apporte sa pierre à l'édifice général), ici on accumule les scènes de quelques secondes où l'on passe d'un revers de main certains grands noms (Owen Wilson est visible trente secondes, Guillaume Gallienne quelques secondes, idem Frances McDormand, Bill Murray et Tilda Swinton au mieux cinq minutes...). On a cependant quelques autres vedettes qui sont plus heureuses sur leur temps d'apparition à l'écran, la part belle étant pour Benicio Del Toro, Adrian Brody et Timothée Chalamet (ce qui n'est pas pour nous déplaire, au contraire). On a aussi bien aimé le mélange des styles visuels (le noir et blanc est sublime, les plans sont très soignés, même si les travelings latéraux entre les pièces coupées commencent à ressembler à des clichés andersoniens, et que la transition avec la course-poursuite sous forme de BD est assez brutale), la musique d'Alexandre Desplat reste discrète mais assez jolie, les acteurs tous bien investis (on sent qu'ils ont envie d'être là, et les - trop rares - notes d'humour passent naturellement entre eux). On déplore seulement le rythme parfois mou (on fait "des tours par Ennui", nous aussi...), les histoires qui partent vite dans tous les sens, et une version de "Aline" de Christophe qui est un peu kitsch (mais sympa, on l'avoue). The French Dispatch est donc un vibrant hommage aux historiettes des vieux journaux et BD, avec un casting et un rythme qu'on aurait aimé plus équilibrés, même si le visuel et la folie douce de l'auteur nous ont, une fois de plus, comblés. (PS : On achètera quand même le DVD, pour le mettre entre les autographes de Swinton et Chalamet, qui valaient largement quelques bleus et une perte d'audition).