La nostalgie est à l'origine de ce documentaire, dont l'introduction maladroite tente de donner une unité thématique à un contenu disparate - les années 80 arrivent après les années 70, shocking! - et qui évite soigneusement d'employer l'expression "blockbuster", qui recouvre pourtant à peu près son sujet : le passage des films d'auteurs dépressifs et contestataires des seventies à l'exaltation du divertissement et de la réussite financière - alors que les extraits d'entretiens avec John Carpenter, qui expriment son opinion connue sur l'échec commercial initial de son film, désignent précisément la cause de la désaffection du public dans son caractère désespéré aux antipodes du culte du "winner"... Dans lequel s'inscrivent pourtant assez mal la plupart des succès publics dont il est question ici, à part Conan.
En effet, les films de divertissement de Spielberg conservaient une profondeur (avec laquelle tentent de renouer certaines productions récentes comme celles de Christopher Nolan), point sur lequel ils maintenaient une certaine continuité avec le cinéma du passé.
Même s'ils illustraient l'unité familiale contre l'adversité, Poltergeist et E.T. prenaient acte du délitement du modèle parental, et de manière métaphorique d'une influence de la télévision dans les foyers. Le personnage de Jeff Bridges dans Tron est une sorte de loser, et un "geek". Ceux de Mad Max, The thing et Blade Runner sont des "anti-héros". En somme le cinéma d'action des années 80 récupère la posture contestataire et met le marginal au service de l'ordre.
L'évolution de Rocky et Rambo reflète idéalement celle de l'esprit de leur époque, du bilan de l'échec de l'idéal de l'American way of life (et de sa transformation) jusqu'au "make America great again" des années Reagan, du loser au winner.


Au-delà de ces paradoxes, le point commun évident entre ces films sortis en été 1982 est la maestria de leur innovation technique jointe à la brillante mise en oeuvre de recettes narratives éprouvées (sauf pour le nébuleux Blade Runner). Ce dernier, Tron, Mad Max, The Thing et les autres portent l'art de la mise en scène de divertissement et des effets spéciaux à un point d'excellence inégalé.


Malgré le choix de certains extraits d'entretiens cultes avec Ridley Scott, Milius, Carpenter et Stallone, et l'opportunité rare d'avoir les témoignages de l'un des scénaristes de Blade Runner, David Webb Peoples, du scénariste de Rocky et de Poltergeist James Spencer, des réalisateurs Nicholas Meyer et Steve Lisberger, et du chef opérateur de The Thing Dean Cundey, malgré même la pertinence des analyses simples et fondées du programmateur Grant Moninger, quelques témoignages avisés sur le sujet des effets spéciaux eussent donc été bienvenus. Ce qui laisse songeur devant les interventions récurrentes d'un ignare, dont l'enthousiasme exprime probablement celui des auteurs de ce documentaire, mais qui, lorsqu'il cesse de s'extasier, se contente de dire des énormités. Ryan Marker, programmateur de cinémathèque, professe que The Thing est "probablement la première collaboration entre Carpenter et Kurt Russell" (...après le biopic sur Elvis et Escape from NY?) et que Blade Runner "regorge d'effets numériques" - alors que la seule utilisation possible de l'ordinateur dans ce film serait dans les mouvements de caméra contrôlés par ordinateur, technique qui à ma connaissance, comme la stop motion, a dû être introduite par ILM sur l'Empire contre-attaque. Hormis la fameuse scène de Star Trek 2 réalisée entièrement en images de synthèse, les images digitales ressemblaient encore le plus souvent à des grilles - ou à des figures géométriques assez simples comme dans Tron. Rien de tout ça dans Blade Runner.
Bien sûr, comme pour les Star Wars, les images de Blade Runner ont par la suite été retouchées d'innombrables fois par ordinateur - mais il s'agit des versions ultérieures!
On se demande vraiment pourquoi ce type racontant n'importe quoi se retrouve au montage final. Mais il est vrai qu'on nous montre à deux reprises un photogramme de Poltergeist 3 comme s'il s'agissait du premier.


Ce documentaire aurait dû être l'occasion d'une réflexion sur l'influence persistante des années 80, et sur le "syndrome de Peter Pan" initialement associé à Spielberg, auquel les scènes d'ouverture et de fermeture semblent faire un clin d'oeil. En l'état, il se laisse agréablement regarder mais n'apporte rien, un bonbon sans valeur nutritive.

ChatonMarmot
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le 4 oct. 2019

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