La réussite de Home tient à la conversion d’un regard curieux sur une famille vivant dans une maison mitoyenne de l’autoroute en réflexion sur les liens qui unissent ses membres et, de façon plus générale, sur la bizarrerie fondamentale qui les concilient voire qu’ils créent les uns avec les autres. Il choisit de composer une galerie de personnages binômes, à l’exception du fils : les parents fonctionnent par deux jusqu’au conflit qui les sépare – rester ? partir ? –, les filles s’opposent sur leur rapport au corps et à la nudité, l’une prenant des bains d’eau avec son frère et de soleil sur la pelouse, l’autre cachant des formes qu’elle trouve ingrates et avec lesquelles elle peine à vivre. Julien apparaît aussitôt tel un électron libre : toujours en mouvement, il parcourt l’autoroute à pied ou en vélo, saute dans la piscine, témoigne d’une vitalité qui est celle de l’enfance.
Le long métrage offre ainsi une puissante métaphore de cette perte de l’insouciance et de l’innocence due à l’adolescence et accélérée par la famille, puisque la remise en l’état de la route conduit à des questionnements d’ordre intime, à une prise de conscience de son corps, à un repli sur soi et en soi qu’incarne à terme l’enferment des membres de la famille dans la maison murée de la porte aux fenêtres. Ursula Meier construit progressivement une psychose collective qui résulte de la mise en commun et de l’exacerbation des névroses individuelles ; son refus d’appartenir à un genre défini lui permet une liberté tonale appréciable qui assure spontanéité et surprises ; notre intérêt se voit constamment relancé, tendu vers un avenir en point d’interrogation. Elle réunit en outre un casting parfait et trouve dans le couple parental Isabelle Huppert/Olivier Gourmet le choc de deux forces vives.
Une œuvre singulière et audacieuse.