Homeland c'est deux films distincts, ou un film en deux parties, comme on préfère, d'une durée globale de six heures, signés Abbas Fahdel, cinéaste irakien vivant depuis une bonne quinzaine d'année en France. C'est un film documentaire, mais un documentaire d'auteur, filmé en Irak en 2002 et 2003 avant et après l'invasion du pays par les forces américaines. Le cinéaste est parti là-bas sachant la guerre imminente pour filmer sa famille qu'il n'avait pas vu depuis des lustres. Mais la guerre n'éclate pas. C'est le premier film. On suit sa famille, on ne sort pratiquement pas de la maison, c'est interdit, et on s'attache à ces gens adorables, dont pas mal d'enfants et d'adolescents. On sent la menace d'une guerre imminente, on en a peur, mais ça ne les empêche pas pour autant d'en rire. Comme la guerre n'est pas arrivée, Fahdel est rentré à Paris. A peine arrivé, il apprend que les USA envahissent son pays. Il y retourne dès que possible, et reprend son film. C'est la deuxième partie, qui consiste à filmer les siens sous la domination américaine, avec tout ce qui a changé, le danger à chaque coin de rue et la peur de la mort partout. Le film n'est sorti que l'an dernier car l'issue de celui-ci est si tragique que Fahdel n'a pas pu retoucher à ses images ou à son banc de montage pendant près de 15 tant c'était douloureux. Le temps passant, l'envie de témoigner était plus forte que tout. Surtout en constatant ce qu'était devenu son pays depuis, aux prises de Daech. Cette fin de film est si tragique, si surprenante, même si elle est annoncée pour ne pas tromper le spectateur, qu'elle en est insoutenable. Cris, sanglots, lamentations, le spectateur aussi est atteint dans sa chair. Fahdel a réalisé ici une oeuvre d'une importance capitale, qui est aussi forte qu'un Shoah ou un Chagrin et la Pitié.