Vous n'avez toujours pas vu cette petite merveille de film et vous être en train de perdre votre temps à lire cette critique oiseuse qui ne sera jamais satisfaisante pour rendre hommage à cette pépite réalisée par un grand cinéaste livrant avec sincérité et panache toute les clés essentielles sur sa vie et sur son cinéma ?!!

Arrêtez-vous tout de suite, fermez cette fenêtre, au pire téléchargez-le dans la meilleur qualité possible, et dégustez chaque instant de ce chef d'oeuvre, régalez-vous de ce témoignage fantaisiste d'une vie aussi jouissive que drôle!






Quoi??
Vous êtes toujours en train de lire??
Alors laissez-moi tenter de vous conter quelques unes des 1001 raisons de voir ce conte enchanteur et très touchant d'un tout grand cinéaste!


* AMARCORD - Je me souviens

1939, UK, alors que le jeune héros, allongé sur le gazon, joue avec ses figurines de plomb, et s'imagine une aventure épique avec pour protagonistes Arthur et Merlin (Excalibur!!!), les tondeuses du quartier s'éteignent toutes en même temps, car à la radio, l'escroc Chamberlain annonce la guerre avec l'Allemagne nazi!

Voilà, le film raconte de manière libre et fantaisiste l'histoire de cette famille, de ce quartier, de cette rue. Un récit tout simple, et bouleversant de sincérité. Récit complexe qui mêle les vies de dizaines de protagonistes, qui se déroule avec une sidérante simplicité! Et contrairement au synopsis, le film ne se résume pas qu'à la vision de cet enfant de sept ans (Boorman himself donc) mais épouse les multiples points de vue de tous ces personnages/acteurs (à la fin on ne fait plus le distingo, tellement les personnages existent, et sont vrais), tout en restant parfaitement limpide et diablement jouissif.

Quel casting! Les enfants sont géniaux, le petit Boorman s'engage dans un groupe de morveux qui foutent la merde au petit matin, saccagent les baraques bombardées la veille et en cendres, le tout dirigé par un chef de gang blondin et haut comme trois pommes, véritable terreur des bacs-à-sable, qui mène les opérations avec un sadisme jouissif.

Le petit Boorman traîne ses guêtres dans tous les coins du quartier, dans les dressing, sous les jupes des filles, il rampe, et ne cesse de découvrir avec émerveillement un monde à la fois libre et dévasté, foisonnant, délirant, et lumineux.

Il y a quelque chose d'assez irrationnel dans ce film, tous les acteurs/personnages sont solaires, de la petite "maggie Simpson" qui dit pas un mot, à la fille de Ryan,mythique Sarah Miles, en passant par l'aînée jouée par Sammy Davis (avant de tourner dans le lamentable "l'irlandais" et deux films mineurs de Ken Russell) absolument sidérante dans le rôle d'une nymphomane qui se dessine des bas sur les jambes pour pouvoir séduire un officier américain facétieux et lubrique, débarqué dans le coin , et interprété par ....... Jean-Marc Barr! Dans l'un de ses tout premiers rôles, et probablement son meilleur!

C'est du cinéma de divertissement, du feel good movie, à l'état brut, ne cherchez pas de drames, ne cherchez pas de grande histoire mêlée à la petite histoire, de tire-larmes, de misérabilisme, de niaiserie, de traitement mielleux. De l'entertaining à l'américaine, assaisonné à la sauce européenne, free cinema, nouvelle vague, néo-réalisme, fable fellinienne, et allez soyons fous, même asiatique avec ces incroyables décombres kurosawaiens (Bonjour Dodeskaden)...
C'est aussi l'une des plus belles photographies que j'ai pu voir (Merci Philippe Rousselot), c'est une splendeur.




* ROI DE LA RUE / FORCE DE LA NATURE, le tout saupoudré par de l'imaginaire




C'est à mon sens deux facettes essentielles dans le cinéma de Boorman qui sont mises sur un plan d'égalité dans ce film :

- La rue/le quartier pour la première partie : on pense à Leo the last, tout pour réussir, voire le général.
Comment illustrer la vie du quartier, son microcosme, ses personnages hauts en couleur, et réussir une immersion parfaite dans un univers crédible et surtout prégnant, qui prend vie sous les yeux du spectateur.

- La nature : c'est la deuxième partie du film, ça fait très bizarre de quitter ce quartier auquel on s'était attaché, j'ai pensé même que ce serait décevant, parce que de nouveaux personnages apparaissent (un grand-père, qui se révèle être un personnage de bougon absolument magnifique et inoubliable).. Et puis il prend son temps de poser un nouveau cadre, de faire jouer ses personnages au cricket dans des séquences délicieuses de goujaterie.

Des maisons de campagne au bord d'une rivière, tout est vert, des canots, des cascades, des poissons à pêcher, des images uniques, un avion allemand égaré lâchant sa bombe au pif permet de récupérer des centaines de poissons morts dans l'explosion.

Un régal visuel, car Boorman est un créateur d'images uniques, la nature est resplendissante, son traitement impressionniste est à couper le souffle et ce dans tous ses films (on pense cette fois à "Excalibur", et la main de la dame du lac sortant au ralenti, à "Délivrance" entre autres 1000 moments incroyables, où John Voigt lutte pour sa survie en se traînant sur les rochers, et à grimper des falaises, "la forêt d'émeraudes", avec tout un flot continu de séquences qui s'impriment à vie dans la mémoire).

Mais en plus de cela, il insuffle un imaginaire épique et flamboyant dans son monde, et en cela il crée un véritable émerveillement.
Ici il y a des ballons gigantesques qui volent dans le ciel, avec des fils de partout pour piéger les avions ennemis, des scènes scolaires délirantes avec des profs complètement tarés (qui rappellent Amarcord là-aussi), des jeunes filles en fleur, la grosse Bertha qui crache ses bombes, un parachutiste allemand, des soldats à la ramasse, une moto pleine d'huile qui fait mal aux fesses, des bals, et 1001 autres images inoubliables.

Et une BO symphonique absolument sensationnelle qui reprend des grands classiques, et invente de nouveaux motifs (dont certains très proches de la musique de Wojciech Kilar pour "le Roi et l'Oiseau) pour un résultat à la fois euphorisant et mélancolique : http://www.youtube.com/watch?v=ZLrf6fMkhJ4

Le film d'une vie.

PS : pas loin de mettre 10, et de le mettre dans mon top 10.. On va laisser mûrir tout ça, le revoir dans une dizaine d'années, et s'émerveiller de nouveau...
KingRabbit

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

19
9

D'autres avis sur Hope and Glory (La Guerre à 7 ans)

Hope and Glory (La Guerre à 7 ans)
Gand-Alf
8

War.

Cinéaste fascinant à la filmographie baroque et fiévreuse, John Boorman entamait ici un virage plus classique, plus posé, avec "Hope and glory", oeuvre jumelle du "Empire du soleil" de Spielberg bien...

le 25 janv. 2013

10 j'aime

3

Hope and Glory (La Guerre à 7 ans)
Heurt
8

Vivre dans la mort

Tout est en équilibre dans ce film, John Boorman sur un fond dramatique (celui de la seconde guerre mondiale) arrive à rendre ses personnages profondément vivants. Il alterne entre les conséquences...

le 4 juin 2023

7 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

261 j'aime

26

Batman & Robin
KingRabbit
9

Pourquoi j'aime (sincèrement) "Batman et Robin"

Je vois bien ce petit jeu qui consiste à se moquer plutôt méchamment et bassement de ce film en tournant en dérision tous ses côtés un peu débiles volontaires ou non. Mais j'aime vraiment bien Batman...

le 16 juin 2013

163 j'aime

25

Battle Royale
KingRabbit
7

Souvenirs de collège

Je me souviens, il y a une douzaine d'années, quand je n'étais qu'un collégien d'1m57, de la salle de perm, à la cour, jusqu'aux couloirs étroits menant au réfectoire, se murmuraient avec insistance...

le 8 sept. 2013

122 j'aime

5