Hors-la-loi par Thomas F.
En abordant le sujet délicat et encore inédit au cinéma des indépendantistes algériens à Paris, Rachid Bouchareb livre un film démagogique, ultra scénarisé et expéditif malgré un bon vouloir certain.
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Hors-la-loi est incontestablement un film qui dérange. Le cinéaste Rachid Bouchareb voulait « rétablir une vérité historique confinée dans les coffres » avec son cinquième long-métrage, faisant écho à Indigènes, son film sur les harkis qu'il a réalisé en 2006. Quatre ans après, il décide d'aborder la parallèle tout aussi polémique et sensible de la communauté algérienne nationaliste en France et de la lutte du FLN à Paris. Loin des films historiques du genre, le virulent combat pour l'indépendance algérienne sera ici décrit à travers le destin de trois frères réunis dans les bidonvilles de Nanterre, expulsés de leur maison familiale et témoins du massacre de Sétif. Un choix de réalisation qui portera préjudice au film, scénarisé et simplifié à outrance, et à l'histoire avec ou sans majuscule.
Ces trois frères portent les mêmes prénoms que les personnages principaux d'Indigènes et sont interprétés par le même trio d'acteurs, comme une banalisation des protagonistes pour généraliser une affaire qui concerne tous les Algériens dans un devoir de mémoire et de vérité. Malheureusement, ces trois personnages ne sont que clichés et archétypes. L'aîné aux lunettes, Abdelkader, joué par Sami Bouajila qu'on identifie immédiatement au Malcolm X de la cause algérienne, était enfermé à Paris pour ses convictions politiques et deviendra la tête pensante du FLN à Paris : « Je serai libre quand mon pays le sera ». Son frère Messaoud, derrière les traits de Roschdy Zem, s'était engagé dans la guerre d'Indochine et sera donc le bras armé de son frère : « Tout ce que j'ai fait, c'est pour que mon fils ait une vie meilleure ». Enfin, le cadet Saïd, campé par Jamel Debbouze, a compris les rouages français et s'improvise proxénète puis directeur de cabaret et entraîneur de boxe. « Dans ce pays, soit tu as de l'argent, soit tu n'es rien ».
La difficile implantation du FLN, la confrontation avec les pacifiques du MNA dans « les guerres de cafés », l'implication radicale et totale des membres du Front de Libération Nationale, la réplique de la police et de la Main Rouge. Tout y passe, peut-être trop vite et de façon épisodique : Bouchareb aura finalement utilisé plus d'une demi-douzaine d'ellipses. D'une certaine manière, le film ne présente pas une vision manichéenne de ce conflit puisque les indépendantistes en prennent tout autant pour leur grade. Mais les autorités policières et leur personnification à travers le colonel Faivre, évidemment issues du commandement des armées françaises au Vietnam, campent de façon flagrante le rôle du vilain colonisateur. « Je ne fais que servir mon pays pour qu'il garde son empire et subsister entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique », explique ce colonel face au cerveau de la résistance armée dans une rencontre au sommet, apothéose et scène majeur du film qui explose en vole avec l'amalgame entre la cause du FLN et la résistance durant la Seconde Guerre Mondiale.
Pas de doute, « il y a une histoire entre la France et l'Algérie » comme l'explique le chef des forces de l'ordre, la traiter de cet angle de vue était nécessaire mais aurait sans doute mérité un meilleur traitement, qui lorgne trop dans Hors-la-loi vers un polar américain. La faute à un réalisateur franco-algérien, forcément concerné par le sujet, qui a reconnu s'être basé sur les souvenirs que lui ont transmis sa famille et s'être inspiré des films de gangster américains. A trop vouloir s'adresser au grand public, Rachid Bouchareb s'est éloigné des vérités qu'il voulait faire émerger et a peut-être trop modifié cette histoire franco-algérienne qui est encore aujourd'hui en train de cicatriser.