Après des films d'auteur remarqués, référencés et ambitieux, mais toutefois imparfaits, tout en se prenant un peu trop au sérieux - "Souvenirs d'en France", "Barocco" et "Les Soeurs Brontë" -, André Téchiné se dirige vers un cinéma plus réaliste, intimiste et plus ancré dans son époque. Avec "Hôtel des Amériques", il installe vraiment dans le cinéma français ce qui fera sa patte, son style, sa petite musique personnelle, avec plus ou moins de bonheur, toujours avec sincérité.
Même si le film n'est pas exempt d'imperfections au niveau du rythme - le scénario s' avère un peu redondant dans la seconde partie -, c'est aussi cela qui fait son charme.
L'histoire d'amour, fortuite, improbable, entre Patrick Dewaere et Catherine Deneuve, si différents, si éloignés l'un de l'autre, c'est l'exploration de deux solitudes, prisonniers de leurs démons et de leur passé. Si dans un premier temps, Dewaere apparaît comme tourné vers l'avenir et l'espoir d'une vie nouvelle; Deneuve, expérimente une sorte de catharsis douloureuse d'un passé dont elle peine à se libérer. Pour autant, la profonde mélancolie qui émane du regard de Dewaere, que Téchiné saisie à merveille, nous indique une fragilité, une fêlure, un manque, une insatiabilité, qui ne pourra jamais être comblée dans un second temps.
En fait, si Deneuve, lâche-prise et avance grâce à cet amour, Dewaere, recule, ne fait pas face, il s' enferme dans une nostalgie dépassée, ses obsessions et sa peur de l'abandon. Leur cheminement est inverse. Malgré les efforts de Deneuve pour ramener Dewaere dans le présent.
"Hôtel des Amériques" c'est aussi un titre rempli de nombreux symboles, qui invitent aux voyages, à l'ailleurs. Ailleurs que tout les personnages semblent rechercher. Un ailleurs en dehors du réel, de la vie quotidienne, que l'on rêve ou que l'on fantasme et qu'on ne rencontre jamais, voir qu'on laisse s' échapper alors qu'il est bien concret.
Josiane Balasko (vraiment bien) prisonnière de sa petite vie d'employée de poste poursuit et rêve d' Étienne Chicot (son meilleur rôle?) qui incarne le seul personnage libre, sans attachés et prêt pour chaque départs, même s' il agace parfois par tant d'inconstances. Sabine Haudepin (attachante et tout en subtilité), si jeune, si lucide, si blasée, si seule, qui donne l'impression d'être toujours en quête d'un amour libérateur, qui la transportera hors de cet univers figé et triste.
Solitude et mélancolie qui sont superbement restitués d'un point de vue formel et esthétique. Biarritz apparaît aussi triste qu'une station balnéaire de Mer du Nord. On ne reconnaît pas la ville, comme si Techiné filmait une ville fantomatique et vide, bien qu'elle soit emplie de vie. Certainement la vision des personnages.
Quant à Deneuve, elle n'a jamais été aussi bien et naturelle que sous l'oeil de Téchiné, comme s'il lisait en elle, lui donnant enfin un rôle plus authentique, plus marqué par la simplicité, plus proche de ce qu'elle doit être dans la vie. Leur collaboration est aujourd'hui l'une des plus longues entre un réalisateur et sa muse.

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