Unique film américain encore existant de Stiller, Hotel impérial est une commande pour mettre en valeur sa vedette Pola Negri et qui demeure bien éloigné du registre habituel du cinéaste suédois. Pour autant il s'acquitte de sa tâche avec professionnalisme qu'il prend comme un brillant exercice de style : si la caméra bougeait assez peu dans ces précédents films, elle est ici souvent en mouvement pour de nombreux et remarquables travelling en tout genre, toujours parfaitement utilisé pour amplifier la force graphique et l'émotion du moment. C'est une réalisation assez virtuose qui a peut-être tapé dans l'oeil d'Hitchcock puisqu'on y trouve notamment un ample mouvement de grue descendant lors d'une grande réception où la caméra plonge d'une rambarde situé au premier étage pour se rapprocher d'un personnage au rez de chaussé, au fond d'une pièce (façon les enchaînés qui partage quelques similitudes avec le scénario d'Hotel Imperial). Il y a aussi un travelling arrière qui se conclut par un geste physiquement impossible où Pola Negri "ouvre" une porte invisible qui devrait se trouver derrière (ou devant) la caméra.
Ce travail visuel très stimulant ne prend toutefois pas le pas sur les personnages qui demeurent vivants et touchants même si fondamentalement le canevas demeure stéréotypée, même pour l'époque et n'exploite qu'en parti tous ses protagonistes (le rival de James Hall qui n'a au final aucune incidence sur le récit). Tout le monde n'a que d'yeux pour Pola Negri (véhicule oblige) et ça alourdit par moment la narration, soit en la ralentissant, soit en l'étirant un peu trop comme l'épilogue qui aurait pu être réglé en quelques plans et qui dure une bonne dizaine de minutes à fond dans le chantage affectif.
Mais tout le monde fait son job avec talent et application et cet Hotel Imperial rappelle l'incroyable niveau de maturité qu'avait alors le cinéma muet américain.
Difficile de savoir à quoi ressemblaient ses ultimes réalisations mais Stiller ne sentit rapidement prisonnier des méthodes du grands studios et du star-systeme. Fatigué des désaccords avec les producteurs, il rentra en Suède au bout de trois années où il décéda précocement sans avoir pu tourner de nouveaux films.