*********** ZONE SANS SPOILER *****************
Accroche :
Lila, une fille complexée par sa pilosité abondante, Puff, un homme sauvage et Nathan, un scientifique, racontent leurs histoires en parallèle. Lila est au commissariat, Puff à une audition de justice et Nathan au purgatoire avec un trou dans le front.
Sexymètre : des gens nus à tout va, des scènes de sexe à tout va
Violencomètre : un peu de violence psychologique mais pas de sang
Bechdel test (test de sexisme) : OK à 1h05
Dinklageomètre : deux minutes dans un rôle de nain
Mon avis :
Gondry, pour moi, c'est tout ou rien. J'ai beaucoup aimé Eternal sunshine of the spotless mind et Soyez sympa, rembobinez. J'ai trouvé le temps très long devant La science des rêves et Green hornet.
Le film présente une histoire décalée, des personnages bizarres et quelques scènes amusantes mais ne parvient jamais à être vraiment barré ou drôle. Il est régulièrement de mauvais goût et assez souvent cruel.
Beaucoup de thèmes sont abordés mais le message reste peu clair, voire carrément pas cohérent. Le film nous dit une chose dans ses dialogues et nous montre le contraire à l’écran.
Le film se demande si la civilisation est une bonne chose pour l'humain ou si elle équivaut simplement à lui faire perdre sa liberté. Le scénario semble opter pour la deuxième option mais rétropédale brusquement à la toute fin. Globalement, les individus vivant en société sont montrés comme cruels et la civilisation comme un ensemble de règles et de comportements absurdes et ridicules.
La civilisation est également présentée comme un obstacle aux aspirations de l'être humain. Un personnage explique ainsi le comportement souhaitable en société : "Remember, when in doubt, don't ever do what you really want to do" (Rappelle-toi en cas de doute, ne fais jamais ce que tu veux vraiment faire) On explique au sauvage que se civiliser consiste à nier ses instincts (notamment sexuels) mais le film se contredit en faisant des humains civilisés des obsédés sexuels. De la même façon, la motivation des deux personnages sauvages pour se civiliser est l'accès au sexe mais la civilisation le leur refuse.
Vivre dans la civilisation est présentée comme douloureux et exigeant des sacrifices. Les civilisés portent des jugements sur vous tandis que la nature vous accepte.
Le film aborde également les relations de l'humain à la nature : un personnage veut fusionner avec elle, les autres veulent la dominer par la violence.
On peut y voir aussi une critique de l'expérimentation animale avec des personnages qui prennent un plaisir sadique à maltraiter leurs sujets d'étude.
Un autre thème est l'éducation et la transmission aux enfants des névroses parentales. Plusieurs personnages mentionnent l'éducation donnée par leurs parents et s'interrogent sur son influence sur eux-mêmes.
Le film met en scène le refus de la différence au sein de la société et la difficulté de l'acceptation de soi quand on a un physique hors norme. Mais, encore une fois, il n'est pas cohérent dans son message.
J'ai trouvé les thèmes intéressants, même si le film entretient une certaine confusion. La plupart des personnages sont carrément antipathiques et cela m'a compliqué le travail pour entrer dans l'histoire. Il n'y a qu'à Lila que je me suis un peu attachée mais ça n'a pas duré.
Les personnages de femmes sont spécialement déplaisants. Il y la potiche prête à abandonner son identité complète pour satisfaire son homme. Elle lui déclare carrément qu'elle n'aspire qu'à devenir comme il veut qu'elle soit. Ensuite, il y a la nymphomane manipulatrice caricaturale. Et enfin, il y a la personnage secondaire qui change d'opinions trois fois par seconde. Faites votre marché là-dedans les filles !
La réalisation est standard, les acteurs font leur boulot.
Le film s'enlise vers 45 minutes et devient carrément ennuyeux, voire déplaisant de par ses personnages antipathiques et son idéologie douteuse. Durant les dix dernières minutes, il part complètement en sucette avec des personnages qui agissent à l'encontre de leur personnalité établie et des revirements inexpliqués.
Conclusion : il y a de bien meilleurs films de Gondry. Vraiment.
*********** ZONE DE RESIDENCE DES SPOILERS *****************
Quelques précisions au sujet des points évoqués ci-dessus.
Le film nous montre à quel point la pilosité de Lila lui fait honte. Elle est très complexée et fait de longues et douloureuses séances d'épilation. On voit qu'elle est traumatisée par le rejet brutal de Nathan. Lila tente de s'accepter mais à la fin, elle fait le choix de se débarrasser de tous ses poils excédentaires pour rentrer dans le moule. La morale serait donc de sacrifier son individualité sur l’autel de la norme ?
Puff, l’homme sauvage, est capturé par un scientifique qui le civilise de force en usant d’électrochocs. Exploité comme une bête de foire, torturé par sa libido, il devient un junkie vers la fin du film. Lila le rend de force à la nature, en utilisant les mêmes électrochocs pour le forcer à revenir à son état initial. Il semble parfaitement heureux avec elle avant de lui mentir et de partir avec l’assistance du scientifique, après avoir fait un long discours à la télé sur le paradis perdu de la nature et la liberté qu’on y trouve. Cela semble parfaitement incohérent. Essaie-t-on de nous dire que la civilisation l’a corrompu (coucou Rousseau) ? Qu’une fois touché par elle, on est fichu et qu’il ne faudrait jamais s'en approcher (coucou Conan de Howard) ? Que l’autosuffisance et la liberté dont on jouissait à l’état naturel sont alors irrémédiablement perdus ? Que les nouveaux besoins amenés par la civilisation (coucou l’Iphone 18) sont devenus des drogues ? Ou alors, c’est peut-être juste le scénario qui voulait faire un twist final.