Il est fort dommage que, sur un point au moins, la "saga" Hunger Games suive un de ses illustres devanciers en matière de divertissement adolescent. Comme pour le petit magicien balafré aux binocles circulaires, la série se sera ouverte sur un épisode dont la simplification des thématiques aura pas mal gâché l’affaire. L’assombrissement des enjeux au fur et à mesure des épisodes, sans doute étudié pour coller à l’évolution de l’âge des lecteurs (et spectateurs), perdra donc une partie du public en cours de route, non pas parce qu’elle s’en est désintéressé, mais bien parce qu’elle n’aura pas accroché à son début.
En tout cas si j’en crois ceux qui ont lu la série de livre de Suzanne Collins.
De fait, je n’évoquerai ici que la version pelliculée (on reste dans dans une problématique de jeunes), pour ne jamais avoir envisagé la lecture chronophage d’une œuvre qui ne peut s’apprécier pleinement que le cheveux gras, la peau purulente, la timidité maladive et la conviction de posséder un savoir aussi absolu qu’intuitif.
Ça sent l’archère fraiche !
Oui, c’est ballot parce que, de film en film, l’histoire gagne en complexité et en intérêt ce qu’elle perd en facilité blockbusteresque ou en passages obligés généralement subit dans ce genre d’exercice. Pour le dire plus simplement, pleins de défauts habituels à ce type de production sont ici absents, et une ou deux qualités inattendues peuvent même s’y trouver.
Autre avantage des aventures de Katniss Everdeen: on peut presque attaquer Hunger Games sur ce chapitre, et commencer à s’intéresser seulement ici à cette jeune fille, fleur à peine éclose d’une rébellion généralisée dans un univers futuriste un peu abstrait.
Ici les studios, a vous MockingJay
Prenons le thème de la communication. Presque immédiatement, on comprend qu’il s’agira du terrain principal de la bataille se jouant entre les deux camps. Si la jeune pasionaria du district 13 n’arrive pas à être convaincante lors du tournage de son clip de propagande, il ne s’agit jamais de ses convictions propres ou de la sincérité du message, mais bien de l’image qu’elle renvoie. Alors obligée d’aller sur le terrain pour se faire filmer en conditions réelles, elle est en permanence confrontée à une équipe de tournage (dirigée par Natalie Dormer, fille de Nathalie Baye ?) qui impose sa façon technique et codée de voire les choses. Le scénario aurait même pu devenir diabolique si le chaos qu’elle rencontre alors avait été mis en scène par son propre camp pour pouvoir saisir à coup sûr son émotion.
Jusqu’à la fin, cette guerre de com est plus importante que l’autre, larvée et presque distante, et en ceci au moins, le film fait preuve d’une acuité et d’une lucidité bienvenue. La victoire se jouera sur les mots, sur le détournement du vocabulaire et des images, plus que par les bombes. Et tant pis pour le manque de rebondissements traditionnellement attendus.
Révolte de l’esprit, sans se mettre à dos les sens
Alors attention, tout n’est pas parfait ici, loin s’en faut, et ma note outrageusement bienveillante et pleine de mansuétude ne doit pas me faire passer sous silence plusieurs moments qui nous rappellent cruellement dans quel univers on évolue. Une chanson reprise en cœur ici, un retour de troupes incompréhensible à la base secrète là ("on nous a laissé repartir !" "OK, pas grave, entrez"), ou encore un F16 abattu à main nues sont là pour qu’on se souvienne que les qualités honnêtes mais fugaces décrites plus haut ne peuvent pas totalement s’affranchir des traditionnelles concessions à la décérébration glorieuse et massive de nos chères têtes blondes qui dictent les décisions d'autres têtes (pensantes cette fois) des grands studios hollywoodiens.
Je suis donc pris au piège, il me faudra voir comment se termine le conflit entre le président neige et la présidente pièce. Après tout, quand on y pense, il aurait été dommage de réunir Philip Seymour Hoffman, Donald Sutherland, Woody Harrelson, Staney Tucci, Jeffrey Wright et Julianne Moore pour rien.