Voilà un documentaire intéressant présenté au Champs Elysées Film Festival 2020, et dont l'intérêt réside pour beaucoup dans le choix du lieu de tournage, lié à un important moment de la vie de prisonniers, la sortie de prison. Les réalisateurs ont en effet tourné leur film à la gare routière située à proximité de la prison de Huntsville au Texas. Ici, on offre aux prisonniers en liberté conditionnelle un ticket de bus et 100 dollars. Ils sont libres, mais sont pour la plupart contraint d'attendre encore quelques heures le départ du bus, qui les mènera à Dallas ou Houston. L'antichambre de la liberté, en quelque sorte. Un lieu étrange, où un gars leur donne des conseils tout en leur vendant des "pressions de parfum" pour sentir bon. C'est un peu le passeur qui prend son obole, mais contrairement à Charon, il les aide à revenir dans le monde des vivants.
On observe alors l'état d'esprit des uns et des autres, dans cet entre-deux angoissant. Ils sont libres, c'est ce qu'ils attendaient pour certains depuis très longtemps, mais ils n'ont que de petits baluchons et un léger pécule pour repartir. Quelques contacts, parfois. De la patience, assurément. Dans le film, les ex-prisonniers, si certains apparaissent légitimement émus, sont étonnamment calmes, ils ont appris la patience en prison, ils peuvent encore attendre quelques heures le départ du bus. Le temps de trouver un téléphone, voire d'apprendre à se servir d'un smartphone, car le monde a changé pendant qu'ils étaient en prison. Certains passent des coups de fil, d'autres se réjouissent qu'ils vont pouvoir enfin retourner pêcher, tandis qu'on en voit le regard hagard, écrasés par l'incertitude du demain ou sidérés par le temps perdu.
Voilà donc un joli documentaire, sobre, qui capte quelques paroles mais surtout des regards ou des gestes à réapprendre, comme traverser une rue. Des moments émouvants pour ce retour à la liberté, quoiqu'elle reste très incertaine.