I Am Michael
5.6
I Am Michael

Film de Justin Kelly (2015)

Je finis par ne plus trop quoi savoir penser de James Franco. Entre sa prestation oscarisable dans The disaster artiste et son attitude vis à vis de Tom Wiseau (qu'il a enfoncé dans son rôle publique de phénomène de foire), on finit par penser qu'on a un acteur talentueux qui gère sa carrière comme un opportuniste (une petite mention à ses odieuses collaborations avec Seth Rogen). Et connaissant la réputation très gay friendly de l'acteur, on le retrouve dans ce curieux projet, biopic d'un pasteur prônant l'hétéro-sexualité avec un passé d'activiste militant gay. Comment cela se passe-t-il ? Bon début, mais il ne fallait pas en attendre davantage.


Le film se divise très clairement en deux moitiés, qui ont toutes les deux un état d'esprit distinct. La première nous présente le personnage, et met peu à peu en place le questionnement. La seconde effectue un virage à 180° et enfonce toujours son protagoniste, ainsi que la religion qu'il embrasse (les mormons, qui ne sont plus à une insulte près).


La première moitié sauve le film. Elle a le mérite de poser une vraie question, qui est sur le devant de l'affiche et loin des préoccupations du milieu LGBTQI++ : quelle est votre identité ? Le désir homosexuel n'est pas une identité, clame Michael, elle n'est qu'une infime partie de ce qui vous compose, et cela n'a pas à voir avec vos inspirations, votre famille... C'est un désir. Et d'ailleurs, la communauté LGBT n'en est pas une, c'est un énorme amalgame de comportements/désirs qu'on a jugé compatible pour mieux créer une case. Dans le parcours militant de Michael Glatze, c'est effectivement une pierre d'angle dans la recherche de la Vérité qui le poussera à constater le vide du mode de vie proposé par le milieu LGBT (via les soirées en boîte de nuit et les plans à trois). Toutefois, c'est un plan à trois qui lance le groupe dans une collaboration à un documentaire pro-tolérance sur la jeunesse gay, et qui ouvre alors la porte à la cohabitation entre religion et homosexualité. Et dans la recherche d'identité, la religion est clairement fédératrice, ce qui oriente de plus en plus les interrogations de Michael dans cette direction, jusqu'à en faire un segment de son magazine. Le basculement commence réellement avec la peur de la mort, une peur que le film veut souligner. Toutefois, avant la libération de cette peur via le résultat des analyses, le personnage prie. C'est un déclic et le lancement de sa Foi religieuse. Voyons toutefois le prix qu'en donne le film.


La religion n'est jamais perçue comme un revirement sincère du personnage, et sa Foi consiste à beaucoup absorber en hochant la tête, et en se révélant absolument fermé à son passé, au point de ne jamais y reconnaître quoi que ce soit. Le film veut soit disant nous parler de religion, et nous sommes constamment du côté des homosexuels anti-cléricaux, qui posent toujours des questions légitimes auxquelles Michael répond par des "Je prierai pour vous !" et autres "je vivais dans le mensonge..." qui sont des absurdités manifestes, donnant totalement raison aux militant gay (et légitimant donc cette cassure entre religion et homosexualité (mais à cause de la religion du personnage hein, pas des homosexuels si tolérants avec leur prochain, je ne crois pas que le film dissocie la Religion et le personnage de Michael), tout à l'inverse de ce que faisait la première partie du film). Si c'est là la vie du personnage, alors ce film ne reflète qu'une volonté de se conformer à un ordre extérieur, qui essaye désespérément de faire cohabiter des contradictions dont toute profondeur a été évacuée. Le film montre la Foi comme une récitation de versets de la Bible, avec de vagues prises de position sur leur interprétation, mais sans volonté de faire sens profondément. C'est le moralisme hypocrite qui est mis sur le devant de la scène avec ce personnage, qui maintient toujours une barrière avec les gens dont il était proche, qui tente de convertir un homosexuel bouddhiste, et qui propose l'hétérosexualité comme un choix (contradiction bien trop manifeste avec ses premières prises de positions pour ne pas la noter). Ainsi, le film désavoue totalement le cheminement de son protagoniste, qu'il place constamment dans la posture du type niant son passé dès qu'il se retrouve confronté à ce dernier, qui sont incarnés par de vraies personnes qui, elles, sont totalement idéalisées (un magnifique adolescent étudiant en sciences promis à un brillant avenir, un riche et séduisant compagnon affectueux et délicat).


Seulement, le film pourrait assumer totalement son désaveu. Mais il se pare d'artifices mystico-religieux qui n'ont que peu de résonance. Quant Terrance Malick filme un arbre agité par du vent, le contexte, les images qui ont précédé, la musique, tout ouvre vers une transcendance. Ici, le film aligne les plans de branches agitées par le vent, de rayons de soleil, de plans de natures, disséminés ça et là, et rien, rien ne passe au travers pour venir à nous. C'est le désert, la sécheresse spirituelle totale, confirmée par le zapping des enjeux théologiques, toujours esquissés sans jamais s'attarder sur la profondeur des messages. Pire, le face à face entre un jeune gay en quête de réponses et ce pasteur est totalement évacuée du récit, réduite à un échange d'une minute dix secondes où Michael enchaîne deux contre-vérités : l'homosexualité est un choix, et il faut choisir l'hétérosexualité. On ne choisit que la façon d'exprimer et d'intégrer son homosexualité, et de multiples chemins de vie sont possibles. Pourquoi le film essaye-t-il alors de recycler une imagerie religieuse à laquelle il n'entend rien, alors qu'il s'attarde clairement sur les moments de confrontation avec ses anciens partenaires pour mettre à mal son protagoniste et sa posture ? Il ne fait que critiquer indirectement Michael Glatze et n'est jamais intéressé par chercher une cohérence dans la pensée de son personnage, car il n'y en a pas de son point de vue. Mais en voulant prendre l'air d'être un biopic respectueux de son protagoniste, il se garde d'émettre un jugement définitif. On a donc au final un biopic qui encore une fois ne veut pas donner une direction orientée au récit de vie qu'il entreprend, et qui se contente de suivre chronologiquement avec un peu d'application de la part de ses acteurs la vie de son personnage. Si c'est proche de la vérité, le personnage de Michael n'a rien à nous apprendre, sinon que vouloir aider les autres revient à ne pas trop savoir quoi faire de sa vie, et que sa conversion va à l'encontre des objectifs de sa carrière de militant. En partant d'une bonne question, on finit par basculer dans la stérilité, et dans un portrait finalement classique de pasteur anti-gay gay, déjà illustré par un certain nombre de films (dont Hate crime, qui ne lésinait pas sur les arguments massues dramatiques pour fustiger ces enfoirés d'intégristes évangélistes, sans aucune subtilité contrairement à ici).


Micro parenthèse sur le sujet de la peur. J'ai lu dans une analyse que le personnage était très ancré dans la peur (de sa mort, et donc de ses péchés), ce qui serait sa porte d'entrée dans la religion (une porte un peu honteuse donc). Mais Dieu n'est-il pas celui qui libère de la peur ?

Voracinéphile
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le 29 avr. 2018

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