Un film d'horreur
Un visionnage intense et difficile, encore que le plus éprouvant reste la lecture des critiques du film. Du name-dropping d'auteurs et de mouvements artistique assez impressionnant, accompagné de...
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le 1 août 2024
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Avez-vous déjà eu une série préférée lors de votre adolescence ?
De celle qui, à un jeune âge, vous a si fasciné, si emporté dans son imaginaire en phase avec l'être que vous étiez alors, que vous auriez donné n'importe quoi pour traverser l'écran afin de devenir un de ses personnages et intégrer son univers ? On sait que vous voyez très bien du genre de série dont on parle et on pourrait également vous en citer quelques-unes nous ayant fait le même effet.
Séparés par quelques classes, Maddy et Owen, eux, vont se retrouver réunis par une obsession commune pour "The Pink Opaque", une série fantastique ado aux trop nombreux points communs avec "Buffy The Vampire Slayer" pour être fortuits (on pourra même reconnaître un de ses visages marquants le temps d'un caméo durant le film) mais à l'imagerie horrifique bien plus malsaine et glauque que tout ce que les aventures de la célèbre tueuse de vampires ont pu engendrer.
Dans leur réalité de collégiens puis de lycéens bridés par les aléas malheureux de leurs existences respectives, où l'obscurité d'un environnement adulte sans espoir paraît toujours chercher à dévorer les dernières lueurs vives de l'enfance, les écrans qui vont diffuser "The Pink Opaque" vont devenir des halos de lumières où ces deux personnages vont littéralement projeter tous leurs secrets et aspirations les plus intimes de la recherche de soi périlleuse que peut représenter cette période charnière... Au risque de choisir sciemment de perdre pied avec un monde réel ne cessant de leur mettre de force des muselières pour faire taire leurs voix discordantes.
Là où Mr Melancholy, le vilain du show à tête lunaire, personnifie en une seule entité à combattre tout ce qui peut s'emparer de ces deux êtres pour les emporter à jamais dans la noirceur de notre réalité, là où ses sbires aux faciès difformes à abattre chaque semaine épousent les traits de personnes de leur entourage qui ne les comprennent pas (ou plus), là où leurs (quêtes d') identités sexuelles peuvent enfin s'exprimer librement, là où le fantastique devient une facile baguette magique pour régler tous les problèmes synonymes d'étaux perpétuels sur leur quotidien... Là où tout simplement Maddy et Owen se retrouvent en transe le temps d'un épisode/échappatoire hebdomadaire à une vie dans laquelle rien ne semble aller dans le sens d'un plausible épanouissement commun, ils sont enfin eux-mêmes, devant une fiction seul refuge de tous leurs désirs et rêves d'avenir.
Quand, de plus en plus malheureuse, Maddy va encore pousser plus loin cette perte de repères à la fois dans cette série et la réalité, Owen, lui, va plus ou moins inconsciemment hésiter. Le début d'un jeu de séparations/retrouvailles sur le long-terme qui va pousser Owen à s'interroger toujours plus loin sur son rapport à "The Pink Opaque" et les choix existentiels que Maddy lui pousse à faire par son intermédiaire...
Eh bien... Dans le genre expérience artistique hypnotisante sur le pouvoir d'une œuvre parvenant à flouter les frontières du réel et de l'imaginaire de l'esprit de spectateurs prêts à tout pour échapper à un monde qui ne cesse de les décevoir, le deuxième long-métrage de Jane Schoenbrun (et d'ailleurs deuxième opus d'une "Screen Trilogy" annoncée après "We're All Going to the World's Fair"), "I Saw the TV Glow" fait fort.
Très fort !
Non seulement en ayant eu l'idée idoine de s'implanter à la fin des années 90 pour cibler la lucarne des nombreuses séries offertes aux adolescents en guise de moyens d'évasion à leur quotidien morose (ce fut un véritable âge d'or des networks US à cette époque) et de l'amplifier au point d'en faire ici un véritable outil de catharsis à leurs "moi" brimés, incompris et étouffés par une normalité cloisonnée par les stéréotypes sociaux, mais aussi d'en faire, par le visuel, un objet de fascination à part entière vis-à-vis du spectateur que nous sommes nous-mêmes, transcendés par une direction artistique et une mise en scène sublimes de bout en bout.
Dans l'envoûtement total que représentent ces plans opposant toujours ces sursauts colorés de naïveté enfantine au déferlement d'une mélancolie aux teintes crépusculaires, la "Glow" imaginée comme émanant de ces "TV" vient s'interposer pour composer de véritables toiles de maîtres surréalistes où les corps sont transfigurés par les jaillissements d'une âme trouvant une porte de sortie dans l'expression de sa complétude, sans aucune limite imposée par la rationalité du regard d'autrui.
Peut-être que le discours devient un poil redondant dans le dernier tiers du film à force d'être explicité lors des diverses phases d'une ultime rencontre décisive mais il n'en demeure pas moins saisissant car emmené par une atmosphère à l'intensité si folle que les émotions enfouies ou révélées de son duo principal (formidable dynamique de personnages actif/passif élevée par Justice Smith et Brigette Lundy-Paine) sont utilisées comme le principal carburant pictural des cadres dans lesquelles ils évoluent.
Et puis, il y a cette fin. Déchirante, terrible, inattendue par sa direction ou son exécution et qui nous laisse au moins autant d'irrémédiables séquelles émotionnelles que ce qui est en train de se jouer pour son protagoniste principal.
"I Saw the TV Glow" et il y avait un sacré bon film, unique en son genre, qui était en train d'y être diffusé. À un point que l'on va se ruer découvrir le premier film de la réalisatrice.
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Créée
le 31 juil. 2024
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