I want your love est presque une expérimentation du cinéma indépendant, dans le sens où il aboutit à l'objectif d'une bonne partie (sinon de la majorité) des films du cinéma LGBT : le porno. Combien de films LGBT sont bâtis uniquement pour suivre les évolutions de la vie sexuelle de leurs personnages, en osant parfois montrer quelques sexes, sodomies, fellations... sans toutefois assumer totalement le porno et s'y engouffrer volontairement. I want your love assume et pénètre à fond son sujet, pour aller au fond. Il en ressort une mauvaise copie toute à fait sincère dans sa démarche et ses intentions.


Tout est bâti dans ce film pour aller vers les scènes de sexe, et ces dernières ne seront pas en reste de détails, nous dévoilant tout de la jouissance et des préférences de nos personnages. Toutefois, le film est une fusion entre pornographie et film d'auteur à portrait. Le postulat est de faire un portrait des personnages (en les faisant parler sur leurs avis, leurs quêtes, leurs motivations...) afin de nous les faire apprécier, puis de les faire copuler les uns avec les autres, dans un final orgiaque qui va loin dans la représentations des différentes positions qu'on peut pratiquer de 2 à 4 personnes. Une formule entre le cinéma d'auteur et l'exploitation, qui contient hélas surtout les défauts de ses ambitions. Les portraits des personnages deviennent vite des éléments de remplissages, qui apportent des détails sur des personnalités un peu banales qui n'ont rien de charismatique. Des personnes homosexuelles qui suivent leur vie quotidienne sans gros obstacle (sinon celui de réussir sa vie), qui rêvent de rencontrer le grand amour et qui se retrouvent à jouir seules ou en groupe. En cela, le film est honnête dans sa représentation du milieu, il montre parfaitement la sincérité et la volonté sentimentale de rencontrer ou d'exprimer leur amour, qui se retrouvent à caresser, faire une pipe, une sodomie, puis chacun retrouve sa petite vie tranquille. L'union libre est ici la solution idéale avancée pour remédier au problème d'infidélité dans le couple (ce qui revient simplement à officialiser l'infidélité, mais les voltiges sont rarement dans l'équilibre), et tous sont finalement réduits aux mêmes conditions, le sexe comme unique moyen de partager leur émotion. Il n'y a rien d'autre, pas d'alternative, et tout le monde vivote sans parvenir à aller au delà de ces interactions corporelles. Le film donne la piste d'une prise de conscience, sans conclure ni sortir du schéma.


La facture esthétique du film est assez classique, un peu fauchée pour l'aspect auteur, une bande son très discrète, et une absence de conclusion qui souligne l'aspect tranche de vie du film. On aura partager le quotidien d'hommes banals et de schémas sentimentaux classiques, sans grand relief dans la narration ni dans les thématiques abordées. On aimerait passer au delà du statut de film porno, mais malgré le cachet auteur, nous y retombons régulièrement, et si certains passages pourront faire leur office sur le terrain du fantasme et du sexe filmé, on ne décollera jamais vraiment au niveau d'un bon drame ou même d'un bon film LGBT. Le porno revient peu à peu dans un certain cinéma, mais il est utilisé comme accessoire (dans enter the void, la vie d'adèle, nymphomaniac...) pour un film dont les objectifs vont bien au delà. L'objectif semble ici bien la représentation d'actes sexuels entre hommes, associé à un aspect film d'auteur totalement sérieux. Quitte à regarder du porno, j'avoue m'amuser davantage devant un film comme Les minets sauvages, qui peut à la fois se regarder sérieusement et au second degré, avec une volonté plus ou moins parodique pour justifier les excès sexuels de ses protagonistes. L'aspect documentaire est hélas plus plat ici que les caricatures de Cadinot.


On admettra toutefois que I want your love a plus de courage que l'oscarisé Call me by your name, qui avait annulé ses scènes de sexe avec les contrats des acteurs, qui avaient refusé de jouer nu. Au vu de la structure de Call me by your name, la pornographie était pourtant logique, vu la progression du récit dans la romance homosexuelle qui s'accompagne forcément du coït. Toutefois, avoir retiré le sexe du film lui permettait d'acquérir une certaine légèreté, et de se focaliser donc sur les évolutions émotionnelles des personnages (plus propice à une approche grand public). Vu que l'on subit déjà beaucoup de scènes de sexe de plus en plus lourdes au cinéma (sous l'intitulé "ouverture d'esprit"), voir un film qui préférait la pudeur apportait un peu de légèreté au sujet. Malheureusement Call me by your name était conçu pour être une pyramide vers la pornographie, d'où cette séquence de pêche totalement gratuite qui ne montre même pas le fantasme qu'elle suggère lourdement.


Pour cette dernière petite raison, I want your love mérite un visionnage et une micro reconnaissance, celle d'un film fantasme qui a le courage d'aller au bout de son concept. Sans produire quelque chose de mémorable, mais qui a au moins du sens.

Voracinéphile
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le 18 mai 2018

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