Du cinéma purement anarchiste que ce If...
La rentrée des classes dans une 'public school' des environs de Londres, institution d'élite réservée aux privilégiés. Pour les nouveaux arrivants, l'année s'annonce rude : des châtiments corporels aux comportements sadiques, la discipline est assurée par d'anciens élèves surnommés 'les fouets'. Face à ces humiliations quotidiennes, Mick, Johnny et Wallace, trois amis anticonformistes, décident d'organiser la résistance en préparant une vengeance sanglante...
Resituons quand même un peu le contexte : nous sommes à la fin des années 60 (le film sortira justement en France en 1968...) d'où l'époque d'une explosion des fondations de la société conservatrice d'alors par les jeunes. Et dans une société aussi droite que celle d'Angleterre, il n'en fallait pas plus à un anarchiste comme Lindsay Anderson pour signer un film hors des sentiers battus.
Remarquons donc d'abord le scénario, qui dynamite les fondements de l'establishment anglais de manière plutôt radicale. Ici, l'université dans laquelle nos héros suivent des études, et qui est destinée à former la future élite anglaise, est représentée comme archaïque, autoritaire, dépassée et ultraconservatrice. Les professeurs usent et abusent de leurs autorités, les élèves subissent les châtiments corporels, les valeurs inculquées sont d'une autre époque, bref la formation suivie ne permet pas une évolution mais presque une régression de l'étudiant. Jusqu'à ce qu'une bande de copains se rebellent et vivent comme ils veulent vivre. Vu que ça ne plait pas, on tente de les réprimander, ce qui attise un peu plus leur haine envers les autorités (que ce soit les professeurs, les militaires ou le clergé). Et leurs révolutions théoriques sont vaines à chaque fois. Mais que se passerait-il s'ils faisaient une vraie révolution, avec de vraies balles ? Voilà l'illustration du titre du film. L'idée du scénario est de montrer un monde où le sexe (homosexuel ou hétérosexuel) hante constamment les personnes mais n'est jamais assouvi, un monde où l'idée de liberté se réduit à quelques images provenant de coupures de magazines et qui n'affleure même pas à la surface.
L'esprit de soumission domine au sein de l'école (et donc, au sein de la future société) et tout sens de coopération est remplacé par celui de la compétition. Bref, une formation en bonne et due forme au système capitaliste.
Lindsay Anderson n'annonce pourtant pas son film comme un message univoque, mais comme une aide au réveil des anarchistes dans l'âme. Il sépare cependant son film de la réalité, notamment par des passages en couleurs et d'autres en noir et blanc (même si, à la base, il ne s'agit qu'un d'un problème d'argent...). Anderson filme de manière libre, certaines scènes ne semblant pas avoir de sens bien défini, comme pour distancier encore un peu plus la réalité de la fiction. Il n'empêche que son but premier est de critiquer et d'appeler, l'air de rien, à un réveil collectif de la jeunesse britannique. Propos du réalisateur : « Mon travail a toujours témoigné d'une certaine tension : entre l'individu et la société, entre la liberté et la tradition, entre l'autorité et l'indépendance. J'ai voulu faire plus qu'un film sur le collège, un film sur l'histoire de notre monde... » Un procédé certes un peu vicieux mais pleinement assumé. Anderson n'appelle pas forcément à une réaction armée (la scène finale, dont certains diront qu'il s'agit d'une référence à Zéro de conduite de Jean Vigo, prouve bien que cette solution est à éviter si on ne veut pas perdre d'avance) mais à une réaction tout court.
Pour la petite anecdote, la Palme d'Or de 1969 fut le tremplin de deux carrières : c'est en voyant If... que Stanley Kubrick découvrit l'acteur Malcom McDowell (par ailleurs très bon ici) à qui il allait confier le rôle principal d'Orange Mécanique, quant à l'assistant réalisateur, il s'agissait ni plus ni moins que d'un certain Stephen Frears...
Un film choc, longtemps interdit, et pour des raisons évidentes puisqu'il appelle directement à la révolte de la nouvelle génération pour améliorer le monde. En près de 40 ans, le film est toujours d'actualité...