Il y a des palmes d’or intrigantes, tout de même, et qui nécessitent qu’on les contextualise. De la même façon qu’on peut expliquer que Michael Moore soit reparti palmé à la faveur d’une actualité crispant une grande part de la planète à l’égard de l’Amérique belligérante de Bush, If… répond clairement à mai 68, et sa façon d’aborder le système éducatif anglais a forcément eu à l’époque un retentissement certain, certains hauts dignitaires ayant plaidé pour son interdiction pure et simple.
Le film n’est pas dénué d’intérêt : bien moins niais qu’un Cercle des poètes disparus sur le même sujet, influencé par l’esprit libertaire de l’époque, il reprend cette ambiance débridée qu’on pouvait déjà voir à l’œuvre dans Blow up : délitement du rythme, voire de l’intrigue, charges acides contre toutes les institutions, de l’éducation à l’Église en passant par l’armée, le tout interprété par une jeune garde spontanée et narquoise. Malcolm McDowell fait ici ses premiers pas, et on comprend d’emblée ce qui a motivé Kubrick à le choisir pour son Orange Mécanique : l’insolence, l’ironie de son attitude alliée à un visage singulier portent en germe tout ce qui fera l’effrayant Alex. La scène scandaleuse de sexe dans un café, (le premier nu frontal autorisé par la censure britannique, après, justement, celui plus bref dans Blow up) qui montre l’étreinte comme une sorte de combat, évoque elle aussi ce que sera la fameuse séquence avec la femme aux chats, qui en décuplera la violence.
L’audace est reconnue, le discours légitime. Il n’en reste pas moins que le film a bien vieilli, et que sa dynamique générale souffre d’essoufflements. La quasi-totalité de film semble être un alignement de sketches sans réelle unité, alignement de sévices et de brimades conduisant à la catharsis finale, version old school d’une autre palme d’or, Elephant de Gus Van Sant. Du point de vue esthétique, on a beaucoup de mal à comprendre les raisons de l’alternance entre le noir et blanc et la couleur, et tout cela semble un peu vain, sans réelle réflexion préalable. If… fait partie de ces films dans lesquels le discours et l’audace l’emportent sur la forme, et l’on aurait apprécié davantage de finesse dans cet succession de portraits plus ou moins caricaturaux. Certes, la jeunesse et sa perversité, entre rébellion et mal être, prend une certaine épaisseur dans quelques séquences. Mais l’ennui l’emporte le reste du temps, et le film a bien du mal à briller en dehors d’un contexte favorable à son plébiscite.