Une image vibrante
Première découverte pour le cinéaste Yasuki Chiba, auteur d'un peu plus de 70 films entre 1932 et 1969 et qui vient d'être remis au goût du jour au Japon grâce à une rétrospective, dévoilant une...
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le 19 nov. 2016
Première découverte pour le cinéaste Yasuki Chiba, auteur d'un peu plus de 70 films entre 1932 et 1969 et qui vient d'être remis au goût du jour au Japon grâce à une rétrospective, dévoilant une série de comédies pour la Toho dans les années 1950 parait-il brillantes (avec pas mal d'acteurs en contre-emplois).
Antérieur à cette période faste, Yasuki Chiba signe une comédie dramatique modeste et humble mais que j'ai trouvé très attachante. La réalisation de Chiba appartient au classicisme, privilégiant la valorisation de ses acteurs et une narration constituée de petites scénettes qui préfèrent la chronique à la dramaturgie "hollywoodienne".
La première moitié semble ainsi déambuler sans réelle but entre la maison du maître, le bar/restaurant qu'il fréquente et les comités de sélection. Il ne se passe pas grand chose de particulier et les personnages ne sont pas forcément développés scènes après scènes mais les petites touches d'humour, le plaisir de voir les comédiens et cet univers assez peu représenté dans le cinéma japonais font agréablement passé le temps.
Une image vivante justifie donc son titre à mi-chemin quand l'éternel recalé se marrie et prend pour modèle et pour muse son épouse, fille simple et chaleureuse, elle même fille d'un sculpteur de figurines bouddhiques jamais exposé. La scène du mariage est d'ailleurs très belle avec le couple se mettant à pleurer alors que leurs "entremetteurs" se lancent dans un spectacle potache.
Les choses se mettent alors en place, mais toujours sans excès ni éclat, et les personnages se révèlent doucement mais sûrement. Ils se révèlent d'ailleurs plus complexes qu'on aurait pu croire, surtout la figure du maître Torao Makino (qui a vraiment existé) dont la vie est entièrement consacrée à la peinture, n'hésitant pas à user du sarcasme envers ses amis tout en soutenant un artiste alcoolique car sa vie dissolue lui inspire des tableaux avec du caractère, loin de ceux de Tanishi, bien trop appliqué pour être considéré comme un vrai peintre.
On croise ainsi quelques seconds rôles gentiment croqués mais jamais ridiculisé comme le patron du restaurant qui fait sa crise de la cinquantaine en voulant devenir peintre lui aussi. Il y a un respect dans les personnages qui devient de plus en plus touchant jusqu'à ce que ça devienne très émouvant lorsque
la femme de Tanishi, déjà affaiblie par un optimisme de façade pour soutenir son époux dans la précarité, ne survit pas à son accouchement. Face à la beauté sereine de son épouse dans son ultime repos, Tanishi trouvera enfin la valeur de son dessin pour une peinture qui sublime avec candeur et pudeur son modèle dont il tâchera de se rappeler le visage rayonnant jour après jour
Le ressort dramatique est usité, voir prévisible, mais l'humilité de la réalisation et la délicatesse des comédiens décuplent l'émotion et il était bien dur de retenir les larmes durant les 10 dernières minutes qui possèdent ce lyrisme à dimension humaine qui me touche tant pour une sublime déclaration d'amour. Chisu Ryu dans le rôle de Tanishi trouve un rôle merveilleux pour un personnage plus "romantique" que chez Ozu/Naruse tandis que Ranko Hanai illumine par sa douceur frémissante.
Un petit film par un petit artisan certes mais le traitement, l'approche et l'émotion sont inestimables à mes yeux.
Avec de la chance, la MCJP parviendra à diffuser l'autre film que Yasuki Chiba tourna pour la Shintoho.
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Créée
le 19 nov. 2016
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