Le film suffisait déjà à indigner et consolider l'admiration pour l'infatigable combat contre le mépris de classe de Ken Loach. J'étais ressortie de son visionnage essorée et prête à balader sur une pique la tête du prochain néolibéral furibard qui viendrait nous donner des leçons de gestion "responsable"... Ce documentaire contribue à enraciner encore plus solidement la révolte qui agite forcément quand un pot de fer atomise froidement un pot de terre. Le réalisateur, son scénariste fétiche, les acteurs et la productrice reviennent sur ce film-phénomène qui a remporté une palme d'or en 2016. Et le commentaire rajoute à toutes fins utiles des extraits des discours politiques de l'époque, qui récapitulent les leçons de morale des conservateurs, tout prêts à culpabiliser les pauvres et s'assurer le soutien des autres en flattant leur bonne conscience. Autant de ficelles répugnantes, d'une mauvaise foi patente, avec le recul, mais qui continuent à séduire les électeurs, parce que c'est rassurant de taper sur d'autres quand on sent les mâchoires glacées de la précarité s'approcher dangereusement de son postérieur. Les enjeux sont clairs, ils l'ont toujours été, mais l'infamie politique se pare de vertus de "bon père de famille" ou de gestionnaire zélé, qui font encore, contre toute attente, des émules même parmi ceux qui sont voués à souffrir de ces mesures libérales qui éreintent les peuples. Faudra-t-il encore beaucoup de documentaires de ce genre, de films de Ken Loach et de vétérans morts de faim dans leur appartement pour que tous se détournent des politiques d'austérité, des plans sociaux, des promesses fallacieuses et des dirigeants prêts à vendre père et mère pour rassurer leurs bailleurs de fonds ?