Pas une critique mais 5 remarques:
Je revois et aime même les récents films de Spielberg. Par exemple le très politique, Pont des espions; voire le très engagé, Pentagon Papers (deux quasi chefs d'oeuvres sous estimés et si je vous lis bien, réalisés à la va-vite entre deux énorme productions). Mais avec le temps, le Soldat Ryan n'est hélas pas/plus mon Spielberg préféré, d'où ma note... Note que je sais assez ridicule comparée au travail bluffant et inégalé, surtout de la première scène (10/10). Mais 'note' qui est honnête à la hauteur de mon envie et plaisir de revoir ce film, surtout sa deuxième partie. J'arrête en général désormais le film dés la rencontre des premiers Français...
- Un hommage au cinéma muet: Avec le temps, lors de la première scène, je n'ai plus les émotions que j'avais eues en salle de cinéma...même si je détourne encore les yeux une ou deux fois. Avec le temps, la scène qui me frappe au plexus et m'émeut reste la mère Ryan chez elle qui reçoit la nouvelle, quand elle s'écroule sous son porche, mon coeur plonge avec elle et marque une pause...scène en apparence toute simple et courte, très silencieuse, en contraste total avec tout le bruit qui précède mais qui éclate pourtant bien plus. Scène muette plus émouvante que bien des scènes parlantes et bruyantes: elle vient juste après le bruit et les feux d'artificiers et d'explosion de testostérones. La caméra reste à l'intérieur de la maison, le personnage est encadré par la porte, un cadre dans le cadre, comme quand Steve McQueen est filmé découvrant ses parents torturés dans Nevada Smith, comme quand John Wayne arrive au début de The Searchers/La Prisonnière du désert, de John Ford (quand Ethan revient à l'ouverture du film et à la fin où aussi le fils part). Je ne connais pas le nom de ces plans que j'aime, de l'intérieur, que j'ai appelés dans ma liste: "plan et scène de l'intérieur regardant dehors, un cadre dans le cadre" (il y aussi un aspect caveau?).
- Le deuil dans la chair: Je vais enfin voir le nom de l'actrice; cette Amanda Boxer m'est géniale; son expression du visage mais surtout son sens corporel du deuil, du moment où on devine la mauvaise nouvelle, elle perd l'équilibre, fait un pas de côté puis s'écroule, ses pieds à terre rejoints pas son bras et main gauches. Clovis Cornillac en deuil aussi dans le récent 'C'est magnifique' perdait ses couleurs, devenait pâle, ben, son sang à elle aussi ne fait aussi qu'un tour et son malaise l'écroule.
Assise parterre, cette maman a déjà l'air d'être dans l'herbe devant la tombe de ses enfants.
La geste corporelle de cette Amanda Boxer est parfaite, deuil bien mieux joué que par exemple la main qui tremble de Tom Hanks, main que je sens désormais surjouée.
Je découvre que cette Amanda Boxer jouait récemment dans une pièce justement titrée 'Mère', sur aussi le deuil et la démence...
sur ce que ça veut dire d'être mère? Sur qui décide ce qui est vrai?
L'autrice Juliet Cowan raconte qu'elle a écrit cette pièce "en réponse à certaines hallucinations de sa propre mère...seule dans ses hallucinations sans nous...donc j'ai décidé de peupler ses hallucinations" (Mum dirigée par Yasmeen Arden à Londres).
- Remarque 2: # Kingdom of Heaven? #'Inch Allah., par la vie de mes morts, laisse moi abattre ce bunker'? ... En parlant de film muet, je n'ai cette fois pas aimé (sur le fond) les deux scènes de prières lors du débarquement soudain quasi d'abord muettes, en tout cas, soudain très silencieuses, donc très SOULIGNéES dans le maelstrom lui très bruyant de la longue scène de débarquement. Ce sont les plans que Spielberg choisit de sortir du lot, car soudain, tout semble s'éteindre, on rentre dans le monde intérieur du sniper, EN GROS PLAN, Barry Pepper. Les sons des explosions et cris disparaissent, on entend que sa respiration et surtout que sa prière. Il ne doit pas rater sa cible. Sans doute suite à de vraies témoignages, Spielberg décide de montrer un sniper en train de prier. Et ce sniper réussit. C'est encore, volontairement ou pas, une caricature des catholiques. Et une caricature de la prière. CAR l'image, LE PLAN, sous entend que sa prière est exaucée. C'est une action clé de libération et sauvetage de quasi tous, et les auteurs la lient à une prière: l'explosion du bunker arrive clairement après la prière et embrassade de (beau) crucifix autour du cou. Or, même si je ne saurais pas développer, je ne crois pas que Dieu est dans cette scène, il n'a pas dirigé la balle 'contre un démon'.
Spielberg me semble alors en faire (volontairement ou pas) une guerre de religion. Dieu n'était pas sur ce champ de bataille, il ne joue pas aux petits soldats, ils ne sont pas ses petites marionnettes (pas dans cette religion, en tout cas). Ce sont des hommes qui décident, libres, de faire le mal ou le bien. Cette scène de gros plan sur le sniper priant, répétée deux fois, de soudain silence en pleine bataille, comme dans une chapelle, d'apparente prière exaucée, semble transformer ce débarquement en croisade, et transformer ce soldat en combattant de dieu, en djihadiste?
Remarque 3: je n'aime pas non plus que le film sous entend qu'il ne faut pas faire de quartier et épargner des prisonniers ou cible, sinon ils viennent vous tuer après. Celui qu'ils ont épargné au combat, est filmé spécifiquement comme celui qui revient sans gratitude ou indécrotablement endoctriné, et qui les tue. La leçon et moralité sous entendue semble donc être que c'était une erreur de l'épargner?
Remarque 4: ... je trouve le tout, (volontairement ou pas; adroitement ou maladroitement) en fait une promotion du principe de non-intervention (une invitation et rappel de ne pas participer aux affaires militaires d'un autre État); même pour un membre de sa 'famille', sa famille de pensée, comme par exemple sa famille de G7?, car ça coûte d'autres vies , et ça coûte des dommages collatéraux. Aider les autres vous coutera trop.