La thématique au cœur du premier film de Philippe Claudel est quelque chose qui suscite un vif intérêt : la condition de l'homme (femme, ici) emprisonné, l'influence de la prison sur les êtres et le regard de la société pendant et après la peine. Et si l'approche naturaliste développée ici est totalement en phase avec son sujet, le film n'évite pas quelques écueils assez dommageables.
Tout d'abord, les maladresses non pas dans l'écriture de certaines idées mais dans la façon de les mettre en images. On a la désagréable impression que certains personnages se contentent de lire leur script, quand ils ne font pas un minimum d'effort pour nous faire croire à la réalité de leur histoire. Ici, ce travers est omniprésent : Kristin Scott Thomas qui lâche un "c'était pas bien, mais c'est pas grave" complètement plat après avoir fait l'amour, sa petite nièce qui sort un discours très maladroitement métaphorique en se demandant pourquoi les animaux du zoo sont en prison alors qu'il n'y a que les méchants qui y vont, et enfin le directeur d'une galerie d'art qui fait un petit discours extrêmement poussif sur un personnage enfermé dans le cadre. Trop, c'est trop, et ce qui était censé être une allusion évasive à la condition de la protagoniste devient d'une lourdeur insupportable.
À une échelle moins dramatique, je n'aime pas quand on voit trop facilement l'auteur derrière les lignes du script du film qui énumère scolairement ses références à travers les répliques de ses personnages (quand bien même les références tiendraient la route, comme c'est le cas ici avec Kurosawa, Lubitsch, ou Dostoïevski).
Mais le pire reste le dénouement qui anéantit tous les efforts des deux heures précédentes, qui se sont employées à bâtir un univers ambigu autour du passé de l'héroïne plein de mystères. On blanchit (presque) totalement cette ex-prisonnière de ses fautes : elle n'a pas tué son enfant de rage ou autre folie, elle l'a tué tout à fait consciemment, parce qu'elle le savait condamné par la maladie. En un instant, toutes les séquences entretenant le doute à ce sujet tombent à l'eau, c'est une tension et une émotion de pacotille. En temps normal, elle en aurait parlé à ses proches (comme tout le monde auraient eu envie sinon besoin de le faire), il n'y aurait pas eu de film. Plus dérangeant, c'est comme si seulement les faux coupables auraient le droit de revenir vivre en société. Comme si on ne pouvait donner une seconde chance qu'à ces personnes-là. Un raisonnement pour le moins perturbant, et d'autant plus frustrant qu'à côté de cela, le sujet, l'ambiance, et les interactions entre personnages sont plutôt riches et bien amenés.
[Avis brut #35]