La Cité des Enfants Perdus

Ils reviennent ... est un petit film mexicain qui aura eu droit à une sortie miraculeuse mais très confidentielle en salles au cours de l'été 2019. Le film de la réalisatrice Issa Lopez est pourtant une bête de festival qui recevra plus de 40 prix à travers le monde avant de se retrouver adoubé par Stephen King et Guillermo Del Toro. Le film qui oscille entre le naturalisme violent quasi documentaire d'une réalité sociale difficile et le fantastique onirique du conte de fées est une petite merveille qui mérite vraiment d'être découverte.

Le film raconte l'histoire d'Estrella une gamine qui vit dans une favela mexicaine gangrené par la violence aveugle des cartels qui règnent en maître sur la ville. La jeune fille se retrouve seule lorsque sa mère disparaît et que l'école ferme ses portes à cause d'une énième fusillade... Elle décide alors de rejoindre une bande de gamins perdus qui vivent dans la rue après la mort de leurs proches et se réfugie dans son imagination; se construisant un terrifiant et poétique conte de fée dans lequel elle aurait le pouvoir d'exaucer trois vœux ...

L'une des grandes forces de Ils reviennent... est incontestablement son ancrage dans cette réalité froide et sordide de la violence des cartels mexicains qui avec plus de 200 000 morts et disparus ses dix dernières années plongent fatalement de nombreux enfants devenus orphelins dans la rue. C'est ici le cas d'Estrella la jeune héroïne du film qui rejoint Shine et sa bande de gosses perdus entre innocence et violence. Issa Lopez filme à la hauteur de ses mômes et nous embarque dans leur univers fait de rêves brisés, de désirs de vengeance, d'espoir, de débrouillardise et de lambeaux d'innocence. Pour se (re)construire sans autres modèles que la violence sourde et aveugle qui les façonne ses gamins vont devoir se réinventer une famille, des repères, un univers retrouvant parfois un petit peu de l'enfance qu'on leur a volé bien trop tôt. Si le film s'inscrit sans détour dans une sombre et implacable réalité il offre aussi (et heureusement) de nombreuses respirations dans lesquelles on prends beaucoup de plaisir à suivre ses gosses retrouver le gout du jeu et s'amuser autour d'un match de foot improvisé ou parodiant un casting de la nouvelle star dans un théâtre abandonné ... On se prend immédiatement d'affection pour se mômes particulièrement touchants dans cette petite bande qui constitue une improbable famille de substitution et l'on rit, on tremble, on espère et l'on pleure avec eux.

Le casting est formidable avec en tête d'affiche la jeune et magnifique Paola Lara dans le rôle d'Estrella et Juan Jamon Lopez sidérant de justesse dans le rôle de Shine sorte de chef de bande aux responsabilités trop grandes pour ses frêles épaules et dont la fragile carapace cache de bouleversante cicatrices. Les autres gamins et comédiens, choisis parmi plus de 500 prétendants, sont eux aussi formidables et je ne suis pas près d'oublier la bouille innocente du jeune Nerry Aredondo dans le rôle de Morro. Le destin de ses cinq gamins Estrella, Shine, Morro, Pop et Tucsi restera je crois très longtemps gravés dans ma mémoire tant il transpire de l'humanité de l'enfance et de la cruauté des adultes. Le film est rempli de magnifiques moments d'émotions qui vous colle la chair de poule et les larmes au yeux lorsque Issa Lopez nous oblige à regarder cette enfance sacrifié au fond des yeux comme lorsque Shine tag sur les murs de la ville les souvenirs d'instants perdus comme pour laisser une trace de destins invisibles.

L'élément fantastique du film s'inscrit dans une forme d'allégorie poétique, d’échappatoire mentale pour Estrella qui doit tout à la fois se réfugier et s'affranchir de son imaginaire pour accepter la sordide réalité notamment la mort de sa mère. L'esprit du film est proche de l'approche fantastique de ceux de Gullermo Del Toro avec le fantastique comme ultime moyen d'évasion et cette idée qu'un fantôme est un souvenir qu'on ne veux pas laisser mourir. Le film s'inscrit aussi dans le registre du conte et pour cause il débute dans une salle de classe dans laquelle on demande aux élèves (Dont Estrella) d'inventer un conte avec les éléments inhérents au genre , interrompu par une fusillade la jeune fille n('aura de cesse de vouloir terminer son exercice d'autant plus que sa maîtresse lui glisse pour la rassurer trois craie capable d'exaucer trois vœux comme autant de façon dessiner son avenir. Les trois vœux en question représenteront pour Estrella des perspectives d'avenir, les souhait de se reconstruire tout en acceptant la mort et se propres peurs. Dans ce conte de faits divers baigné de légende urbaine les petits princes auront bien du mal à grandir et se trouver une forteresse pour préserver leur innocence. Le fantastique se fait parfois terreur face à la mort et d'autres fois poésie et allégorie comme ses oiseaux qui s’envolent du bracelet de la mère d'Estrella ou ce tigre en peluche qui traîne sa solitude dans les limbes entre morts et vivants...

Ils reviennent ... est un vrai et profond coup de cœur d'autant plus fort que je ne m'attendais pas du tout à être cueilli à froid par tant d'émotion. On oubliera donc les quelques défauts du film comme quelques effets spéciaux cheaps pour ne célébrer que ce précieux petit film mexicain qui frappe direct au cœur.